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comme pour lui-même. Le célibat fut la seule peine infligée à Mlle de Montpensier ; la vieillesse ne tarda pas à venger le cardinal de Mmes de Montbazon, de Châtillon et de Chevreuse ; déchu de sa royauté des halles et de sa popularité de carrefour, M. de Beaufort ne fut plus qu’un homme grossier, qui mourut transpercé par les épigrammes de Saint-Evremond. Si le prince de Conti ne fit pas une fin plus héroïque, il tira du moins un meilleur parti de sa position, et en sollicitant, après quatre années d’hostilités, la main et la dot de l’une des nièces du cardinal, l’ancien généralissime des Parisiens donna la mesure de l’esprit de la fronde et de la dignité personnelle de ses auteurs. À l’exemple de son second frère, Mme de Longueville s’accommoda avec la cour, puis, chose plus difficile, avec son époux. Cette princesse s’était jetée dans les troubles « par la croyance qu’elle passerait pour en avoir beaucoup plus d’esprit, qualité qui faisait sa passion dominante[1], » selon le témoignage d’une femme qui fut injuste peut-être envers elle, mais qui certainement la connaissait bien ; elle en sortit avec une réputation flétrie, et comme noyée dans un océan de tristesse où son âme se retrempa pour la véritable grandeur. À l’exemple des ducs de Bouillon, de Rohan, d’Elbeuf et de tous les acteurs de cette pièce, La Rochefoucauld ne tarda pas à traiter de son côté avec le ministre, dont il était plus profitable d’avoir été l’adversaire que le serviteur. Entré dans la guerre civile par amour, comme il l’affirme, ou par calcul, comme l’ont prétendu des contemporains, il en sortit désabusé de tout, et se préparant à condenser les déceptions de sa vie dans des sentences, médailles impérissables d’une époque dont l’étude décourageait de la liberté, de la vertu et presque de l’honneur.

Dans cette cohue de femmes galantes et de vulgaires ambitieux, un seul homme s’était donc rencontré en face de Mazarin, et celui-là demeura longtemps encore debout et le front haut sur la scène où venaient de se succéder tant d’intrigues et tant de travestissemens. Si Condé ne fut pas un grand esprit politique, il eut du moins l’âme assez forte pour aller aux extrémités de ses haines. Durant six campagnes, il prêta à l’ennemi de son pays et de sa race le double concours de son nom et de son épée : trahison consommée toutefois avec tant de hauteur et une sérénité de conscience tellement inexplicable qu’elle ne pénètre pas moins d’étonnement que de tristesse, et qu’elle provoque l’esprit aux plus sérieuses méditations. D’une part, en effet, on voit Condé, descendu au rang de simple général espagnol et condamné à mort par un arrêt solennel du parlement[2], « porter

  1. Mémoires de la duchesse de Nemours. On sait que cette princesse, issue d’un premier mariage de son père, était belle-fille de la duchesse de Longueville.
  2. Le 27 mars 1653, le parlement de Paris avait déclare le prince de Condé « convaincu des crimes de lèse-majesté et félonie ; comme tel, déchu du nom de Bourbon et condamné à recevoir la mort en la forme qu’il plairait au roi. »