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vérité des opinions, et qui ne voit dans les controverses dogmatiques que la conservation de l’église. Il est très beau à contempler dans son attitude d’orgueil et de domination avec sa figure carrée et massive, sa large poitrine d’où s’échappent comme un tonnerre des sons impérieux ; — une main dans sa poche, dit l’auteur, comme pour symboliser l’étreinte puissante avec laquelle notre mère l’église retient ses possessions, l’autre main ouverte, étendue, prête pour l’action et la défense de son ordre. Les satellites, les acolytes, tous ceux qui dépendent du clergé à des titres divers, qui vivent de l’église et qui participent des défauts du prêtre ne sont pas oubliés dans le roman ; ils y sont représentés par le doyen des pauvres de l’hôpital d’Hiram, un vieux sacristain tory, mendiant highchurchman, excellent type de bedeau superstitieux, flatteur de ses maîtres, et qui dans toute attaque à l’église voit une atteinte portée à sa propre dignité. Bunce est respectueux et prudent ; admis à la familiarité de son supérieur, jamais il n’a dépassé les limites des convenances, et un seul fait montrera combien il pousse loin le tact de ce qu’il doit ou ne doit pas se permettre. M. Harding appelait souvent Bunce après le dîner et l’invitait familièrement à boire un verre de porto avec lui. Bunce ne refusait jamais et avalait un premier verre de vin par respect et par déférence pour son supérieur ; il en avalait un second par sociabilité, pourrait-on dire, et parce qu’il sentait que son patron l’invitant, c’est qu’il éprouvait le besoin d’un certain sans-gêne momentané, d’un certain abandon et relâchement d’esprit, mais il refusait toujours le troisième parce qu’il comprenait que l’abandon poussé trop loin pourrait déplaire à son maître. Quelle connaissance des subtilités du cœur humain et des imperceptibles nuances du sentiment ! Il n’y a que les serviteurs des gens d’église pour avoir de ces finesses de moraliste.

Le vieux Bunce domine tous ses confrères de l’hôpital d’Hiram : cependant tout son pouvoir n’a pu empêcher une révolte, et six d’entre eux signent une pétition pour réclamer l’application du testament d’Hiram. La scène où tous ces pauvres diables, sourds, manchots, tremblotans, à moitié idiots, signent leur pétition, est curieuse et triste comme le spectacle de la dégradation humaine inoffensive. Toutes ces volontés affaiblies par l’âge, la dépendance, la misère, tremblotent comme la lumière dans de vieilles lampes graisseuses, rouillées et perforées, d’où le liquide s’échappe, et où la mèche à demi alimentée brûle sans éclairer.


« — Pensez un peu, vieux Billy Gazy, dit Spriggs, qui était beaucoup plus jeune que ses confrères, mais qui, étant tombé dans le feu un jour qu’il