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abandonna une position telle qu’était celle de Dunkerque, enjoignant à cela la perspective de la conquête des Indes occidentales. Il va sans dire d’ailleurs que les deux cours qui se disputaient alors l’alliance de l’Angleterre, et par lesquelles Cromwell se faisait marchander tour à tour, protestaient d’une admiration égale pour le grand homme, et luttaient d’empressement à qui interdirait son territoire aux fils du monarque infortuné dont l’un versait alors pour la France l’auguste sang que lui avait transmis sa mère[1].

Quoi qu’il en soit, Mazarin ne perdit ni le profit de ses avances ni celui de ses flatteries, et Cromwell consentit à être salué par le cardinal-ministre des titres jusqu’alors réservés aux plus grands rois. Mazarin prit et livra Dunkerque en gardant Gravelines, et la guerre faite en commun par Louis XIV et par le protecteur fixa enfin la fortune. L’Espagne comprit que cette alliance aggravait tous ses périls, et que les troubles qui l’avaient servie si longtemps étaient arrivés à leur terme. Elle se retrouvait donc, en 1658, dans une situation non moins critique que celle à laquelle la fronde l’avait si heureusement arrachée dix années auparavant. De plus, Ferdinand III était mort, et la diplomatie française à Francfort avait fait introduire dans les capitulations acceptées par le nouvel empereur d’Allemagne l’engagement formel de ne seconder d’aucune manière la branche espagnole de la maison d’Autriche. Pressée par la France et par l’Angleterre, isolée de l’empire, ayant à cœur de retrouver la disponibilité de toutes ses forces pour écraser le Portugal, qu’elle ne considérait pas comme pouvant lui opposer une résistance sérieuse, la cour de Madrid en vint à désirer la paix aussi vivement qu’elle l’avait souhaitée à Munster avant les premiers troubles de Paris.

Les pertes que ces troubles avaient fait essuyer à la France, en la contraignant de son côté à restreindre ses prétentions, écartaient d’avance des négociations les difficultés contre lesquelles elles avaient échoué si longtemps. L’Espagne, en effet, avait recouvré la Catalogne par la défection du comte de Marchin, l’un des adhérens du prince de Condé ; elle avait pacifié la Sicile et reconquis le royaume de Naples, la guerre civile et la faiblesse de notre marine ayant contraint ce royaume de limiter dans des bornes trop restreintes les secours donnés à l’insurrection dans laquelle le duc de Guise vint terminer par une page de roman la glorieuse histoire de sa maison. Le cabinet de Madrid comprenait d’ailleurs l’impossibilité de disputer plus longtemps à la France les conquêtes faites en Artois, en Flandre et dans le Luxembourg, et qui remontaient pour la plupart

  1. Le duc d’York était lieutenant-général dans l’armée de M. de Turenne. Il a laissé des Mémoires d’un intérêt véritable, particulièrement sur les opérations militaires de 1654 à 1657.