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et l’a amenée à Amsterdam par des machines dont la force et la hardiesse sont admirables; mais l’usage des nouvelles fontaines ne s’est pas encore répandu dans toutes les classes de la population.

Les barques spécialement destinées au service des voyageurs portent le nom de trekschuiten. Ce sont des espèces de gondoles ou de diligences par eau. Sur presque toute la longueur, qui est d’environ trente pieds, s’élève une caisse ou maison de bois, souvent peinte en vert, et dont le toit, sur lequel on marche pour exécuter certaines manœuvres, est recouvert d’un enduit parsemé d’écailles de moules pilées. Cette maison se divise en deux compartimens ou chambres. La plus grande, située vers la proue du bateau, est commune aux voyageurs et aux bagages. Là, dans un nuage de fumée, voguent, pendant l’hiver, de braves gens enfermés comme dans une boîte, et qui ont recours au tabac pour charmer les ennuis de la route; l’été, on ôte les volets de bois, et l’on relève le couvercle de l’ouverture par laquelle descendent les voyageurs. Le second compartiment est le cabinet, en hollandais le roef. On y entre par une porte à deux battans. Cette seconde cabine est petite, mais arrangée avec un certain goût. Les fenêtres, au nombre de quatre ou de six, sont pourvues d’une vitre et garnies de rideaux rouges ou blancs, selon la saison. Au milieu est une table avec un vase de cuivre qui contient du feu et un autre vase plus petit, destiné à recevoir la cendre des cigares, tous les deux nettoyés d’ailleurs et polis avec un luxe de propreté qu’on ne trouve qu’en Hollande. Ajoutez à cela, pour compléter l’ameublement, une natte, un miroir, et l’hiver, pour les dames, un chauffepied en bois nommé stoof, renfermant un petit vase de faïence avec deux ou trois morceaux de tourbe allumée et saupoudrée d’une cendre blanchâtre. Aux deux côtés de cette cabine s’étendent des bancs garnis de coussins, sur lesquels s’asseoient les voyageurs l’un vis-à-vis de l’autre. Quelquefois sur une planchette sont quelques volumes qui appartiennent au bateau et forment un cabinet de lecture flottant à l’usage du passager studieux. Tout le caractère national respire dans ce comfortable simple et minutieux. A la proue, l’espace que la caisse laisse libre est occupé par des marchandises, des ballots, des tonnes; à la poupe, par les voyageurs qui veulent prendre le frais et par un batelier qui tient le gouvernail, tout en fumant avec la régularité d’un bateau à vapeur. Le maître de la barque est un bon Hollandais, à figure honnête et placide, qui reçoit la rétribution des voyageurs dans une bourse de cuir. Sur le devant du bâtiment s’élève le mât, qui s’abaisse à chaque pont, et au haut duquel est nouée une longue corde dont l’autre extrémité atteint le rivage. Cette corde s’attache au cheval qui tire le bateau, et sur lequel est monté le postillon ou le chasseur (het jagertje). Ce chasseur, qui d’ordinaire est un jeune garçon, porte, dans certains