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nous fit servir du thé, des viandes froides et de l’eau-de-vie, regrettant beaucoup, disait-il, de n’avoir pas eu le temps de faire venir un cuisinier d’Irkutsk, afin de nous traiter à l’européenne. Quand nous prîmes congé de lui, nous lui demandâmes de vouloir bien nous donner un souvenir de son hospitalité, en traçant sur une feuille de papier son nom et ses titres en langue mongole. Il s’y prêta de bonne grâce, et nous pria de raconter au tsar, lors de notre passage à Saint-Pétersbourg, ce que nous avions vu chez les Bouriates. Dites-lui bien, ajoutait le chef des bouddhistes sibériens, que nous aussi nous savons honorer Dieu à notre manière. »

M. Hill nous donne encore plus de détails que M. Hansteen sur les bouddhistes de la Sibérie. Il a étudié avec soin l’intérieur des ''lamaseries et l’organisation de cette singulière église. Il y a, dit-il, quatre classes de lamas : les deux premières classes, occupées seulement d’études spéculatives, comprennent les métaphysiciens du dogme et les gardiens du culte ; la troisième est celle du clergé officiant ; la plus utile et la plus digne d’intérêt, c’est assurément la quatrième, dont la principale affaire est le soin des maladies. Cette classe de lamas est comme une confrérie de médecins qui soignent leurs semblables par amour de Dieu. Ils ont une bibliothèque médicale composée des livres publiés en Chine et dans le Thibet, et tout le temps que ne remplissent pas leurs bienfaisantes fonctions est consacré à l’étude. Ces lamas bouddhistes de Sibérie sont particulièrement renommés, au dire de M. Hill, pour leur charité et leur savoir. C’est par là, et l’on ne peut qu’approuver les excellentes réflexions du voyageur anglais, c’est par là que les bouddhistes donneraient prise aux missionnaires catholiques ou protestans, si ces généreux apôtres avaient toujours autant de sagesse que de foi, autant de lumières que d’intrépidité. Pourquoi les sciences utiles à l’homme ne prêteraient-elles pas leur appui à l’ardeur conquérante du missionnaire ? Les bouddhistes n’ignorent pas que de toutes les religions qui règnent sur les consciences humaines, la religion de Bouddha est la plus répandue. Si nous sommes environ cent-vingt-cinq millions de chrétiens sur la surface du globe, y comprises, bien entendu, toutes les églises rivales, il y a deux cent cinquante millions de mahométans et trois cent quinze millions de bouddhistes. Croit-on que cette comparaison ne soit pas un puissant motif d’orgueil et de foi pour les religions asiatiques ? Je sais bien que le suffrage universel n’est pas encore de mise en de telles matières ; le suffrage universel, qui sauvait Barrabas il y a dix-huit cents ans et condamnait Jésus, a produit de nos jours assurément des résultats qu’on ne pouvait pas prévoir. J’espère bien cependant qu’il ne gouvernera jamais nos consciences, et que notre minorité chrétienne, sans s’inquiéter de la