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l’Autriche, la France, et il put parler à M. Hansteen de son souverain, le roi Charles-Jean, ayant eu maintes occasions de le connaître alors que Bernadette, récemment nommé prince royal de Suède, dirigeait en 1813 les opérations de la campagne. Tiumen était le plus aimable, le plus poli, le plus hospitalier des hommes, et quand nos voyageurs s’asseyaient à sa table si délicatement servie à l’européenne, ils avaient quelque peine à se persuader qu’ils soupaient chez un Kalmouck du Volga.

Les Kirghises sont des Tartares et professent la religion de Mahomet ; les Kalmoucks du prince Tiumen, tribu mongole comme les Bouriates de la steppe de Selenginsk, suivent le culte de Bouddha. À la forme de leur front, aux pommettes saillantes de leurs joues, à la couleur jaune de leur peau, on reconnaît aisément qu’ils ne font pas partie de la famille caucasique. Ils sont nomades à la façon des Kirghises et mènent exactement le même genre de vie. Rien n’est pittoresque comme leurs déplacemens en masse quand ils ont épuisé les pâturages d’une région de la steppe. Tout s’agite, tout est en mouvement. Aussi loin que la vue s’étend à l’horizon, la steppe est couverte de chevaux, de bœufs et de moutons. Les hommes, armés d’arcs et de flèches, galopent accompagnés de leurs chiens tout autour de la horde, afin de maintenir la discipline. On en voit d’autres qui chevauchent en compagnie de jeunes femmes, de jeunes garçons, groupes joyeux dont la gaieté éclate en cris d’allégresse ; puis viennent les chameaux qui portent les vieillards, les femmes, les petits enfans, ces derniers ordinairement placés dans des corbeilles. Les chameaux de l’arrière-garde sont chargés des provisions et de tout le matériel des kibitkes.

Bien qu’il commande à des populations nomades, Tiumen est trop façonné aux mœurs européennes pour ne pas avoir une résidence fixe. J’ai déjà dit qu’il avait établi sa demeure dans une île du Volga. Un jour, il introduisit ses hôtes dans un vaste temple, très propre et très comfortable, qu’il avait fait construire auprès de son palais. Les cérémonies du culte bouddhiste y furent célébrées, en l’honneur de M. Hansteen et de ses compagnons, par quarante lamas en grand costume. Le prince kalmouck semblait leur montrer tout cela à titre de curiosités divertissantes. Un autre jour, comme nos voyageurs avaient exprimé le désir de voir des femmes kalmouckes, il les fit monter à cheval avec lui et les conduisit à quelque distance de là. Ils entrèrent dans une kibitke ; douze femmes étaient assises à côté l’une de l’autre et occupaient environ le quart de la kibitke, tandis qu’un grand feu brillait au milieu de la pièce. « Nous prîmes place dans un coin, dit M. Hansteen, et nous pûmes les considérer à loisir. Elles portaient de riches vêtemens de velours