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combla de politesses l’illustre savant de Christiania et fit porter chez lui des curiosités d’histoire naturelle dont s’enrichirent les musées de la Norvège.


II. — LA SIBÉRIE DU NORD. — OSTIAKES ET TONGUSES, JAKOUTES ET SAMOYÈDES.

Les tribus nomades qui occupent le sol de la Russie asiatique sont aussi nombreuses et aussi mal connues que les populations du Caucase. Les Tcherkesses de la Mer-Noire et les Tchetchens du Daghestan appellent leur pays la Montagne des langues ; c’est aussi une vraie tour de Babel que cette Sibérie du nord, où se mêlent tant de races et tant d’idiomes. Voilà bien l’officina gentium dont parlent les chroniqueurs. Ce ne sont pas encore des peuples, on ne rencontre là que des élémens informes ; mais ces élémens se façonnent et s’organisent de jour en jour. Déjà, si l’on compare les récits des voyageurs les plus récens avec les descriptions des savans ethnographes du dernier siècle, Muller, Fischer et Stollenwerck, on est frappé des progrès accomplis par ces hordes vagabondes. Surtout il y a une certaine unité qui se prépare ; ces divisions sans nombre semblent faire place à des groupes. Si les Kirghises, les Bouriates, les Kalmoucks sont les peuplades les plus importantes de la Sibérie inférieure, on peut signaler au nord quatre familles principales auxquelles se rattachent toutes ces tribus éparpillées naguère des monts Ourals au Kamtchatka. Ce sont d’abord, au milieu même de la Sibérie, les Ostiakes à l’ouest, les Tonguses au centre, les Jakoutes à l’est, puis, à l’extrémité septentrionale, tout le long des côtes de l’Océan, de la Mer-Blanche à la mer de Kara et de la mer de Kara à l’embouchure de la Lena, l’immense tribu des Samoyèdes.

Lorsqu’on part de Tobolsk en se dirigeant vers le nord, on rencontre bientôt le groupe des Ostiakes. M. Castrén, qui les a étudiés avec une rare sagacité, signale chez eux des institutions très originales. Malgré le nom commun qu’ils portent, les Ostiakes se divisent en une multitude de tribus ; seulement, pour remédier à un inconvénient que le voisinage des Russes leur a fait mieux comprendre, ils ont établi un principe d’unité en organisant ce qu’il appellent des familles ou des races. M. Castrén traduit le mot ostiake par un mot russe qui répond à l’expression allemande geschlechler. Chacune de ces races se compose d’un certain nombre de familles qui se rattachent de près ou de loin à la même origine. Il en est qui embrassent plusieurs centaines de membres, et quelquefois plus de mille. Lorsque les races sont si nombreuses, les individus qui en font partie ne savent pas toujours très exactement la nature des liens qui les unissent ; n’importe, ils se traitent en parens, ne se marient jamais entre eux, et considèrent comme un devoir impérieux de se prêter une