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apparente. Essayons de suppléer à ce qui a manqué ; cette étude a d’autant plus d’à-propos que la propriété forestière française traverse depuis quelque temps une crise.

Sous le rapport des essences dont le ciel nous a doués, nous n’avons pas à nous plaindre. Nous trouvons dans notre lot cinq espèces forestières du premier ordre, le chêne, le hêtre, le châtaignier ; le sapin et le pin, sans compter les espèces secondaires qui peuplent nos bois, nos champs, nos jardins les bords de nos rivières.

Le chêne est l’arbre gaulois par excellence et peut-être le plus fort bois du monde. On dit que le cèdre de l’Inde et l’épinette du Canada lui sont supérieurs pour la construction des vaisseaux ; c’est possible, mais ce n’est pas prouvé. Jusqu’ici, les constructeurs maritimes n’ont fait usage d’autres matériaux qu’autant qu’ils n’ont pas pu se procurer du chêne en quantité suffisante. Dans tous les cas, s’il a des rivaux ou des supérieurs, il n’en a guère. Il couvrait autrefois la Gaule tout entière de ses majestueux rameaux, et il forme encore la moitié à peu près de nos bois ; nos ancêtres l’avaient divinisé. Exploité en taillis, il se reproduit perpétuellement sous la hache, et fournit, tous les quinze ou vingt ans, un excellent bois de chauffage et du charbon de première qualité ; en futaie, il rend de plus grands services encore. Son écorce sert pour la tannerie ; son fruit peut nourrir et engraisser des légions de porcs. Nous n’avons malheureusement plus qu’un bien petit nombre de ces arbres séculaires qui montrent quelles proportions peut atteindre ce roi de nos forêts ; mais quand on en rencontre un debout, on ne peut qu’être frappé d’admiration et de respect. Au pied des Vosges, près de Bourbonne, s’élève encore le chêne des Partisans, ainsi nommé parce qu’il servait, dit-on, de rendez-vous aux bandes armées du XIVe siècle ; il a 34 mètres d’élévation et 26 d’envergure, et doit avoir, dit-on, huit siècles. Au point de vue de l’utilité, le chêne atteint, vers deux cents ans, son maximum de croissance ; il n’est pas rare d’en trouver qui, à cet âge, valent 500 fr., et on a vu tel hectare d’antique futaie produire une coupe de 30,000 fr. Je ne cite que pour mémoire la variété particulière de chêne qui fournit le liège, parce qu’elle n’appartient pas, à proprement parler, aux essences forestières ; cette variété vient naturellement dans les parties les plus méridionales de la France, et si elle y était plus répandue, elle pourrait donner de grands produits.

Le hêtre n’a pas tout à fait la même valeur que le chêne, mais s’il ne peut servir également pour la marine et pour la charpente, il alimente une foule d’industries ; dans la forêt de Villers-Cotterets, des ateliers nombreux le mettent en œuvre sur place. Il vient dans des régions plus froides et plus humides que le chêne, et s’élève