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tête à l’action des intérêts composés que jusqu’à trente ou quarante ans. À partir de ce moment, l’accumulation devient si forte, que la sève la plus généreuse ne peut plus la suivre. Tout le monde connaît les effets extraordinaires des intérêts composés, il n’est pas mal de les rappeler de temps en temps à ceux qui empruntent : 50 centimes, placés à 5 pour 100, deviennent 99,000 francs au bout de deux cent cinquante ans. Si différente que soit la valeur d’un hectare de futaie relativement à un hectare de taillis, elle ne compense pas un pareil produit ; mais de bonne foi est-ce ainsi qu’il faut compter quand il s’agit d’un placement en immeubles ? Quel est le capital qui a jamais été placé à 5 pour 100 et à intérêt, composé pendant un laps de temps si considérable ? Tous les trésors du monde ne suffiraient pas pour rembourser la moindre somme après cinq ou six siècles. Il en est du capital comme de toute chose, il s’use, il dépérit, quand il n’est pas incessamment renouvelé. Il y a des chances presque certaines pour que le capital réalisé par la coupe d’un taillis soit dissipé en mauvais placemens ou en dépenses improductives, au lieu de recevoir la multiplication idéale que donne le calcul, tandis que la forêt garde fidèlement le dépôt qu’on lui confie. Tout change d’ailleurs dès que l’on compte l’intérêt à 3 au lieu de 5, au moins jusqu’à cent ans, et je m’abonnerais bien volontiers à voir beaucoup de bois en France arriver à cet âge.

Supposons un hectare actuellement exploité en taillis, et susceptible, par la nature du sol et des essences, d’être mis en futaie, voici le produit net qu’il est raisonnable d’admettre dans les deux cas, avec les prix actuels : taillis, 4 coupes, dans une période de cent ans, produisant chacune 500 fr.,2,000 fr. ; intérêts composés, à 3 pour 100, de la première coupe pendant soixante-quinze ans, de la seconde pendant cinquante, et de la troisième pendant vingt-cinq, 7,500 fr., total, 9,500 ; futaie, une seule coupe à cent ans, précédée d’éclaircies périodiques, pouvant facilement donner en tout 10,000 fr., sans compter les produits accessoires des bois défendables, comme la chasse, le pâturage ou la glandée, qui ne sont pas tout à fait à dédaigner.

Voilà pour les bois feuillus. Quant aux résineux, l’avantage est encore plus marqué. Comme ils ne sont pas susceptibles d’être exploités en taillis, parce qu’ils ne repoussent pas du pied, ils n’ont pas à subir la double concurrence des coupes successives et de l’intérêt composé de l’argent réalisé à chaque coupe. Ils peuvent alors, quand ils sont placés dans des conditions favorables à leur croissance, tenir tête à l’intérêt composé à 4. Supposons, pour prix d’achat d’un hectare inculte, 100 francs, et pour frais d’ensemencement en résineux, 100 francs, en tout 200 ; à cent ans, en comptant l’intérêt composé à 4, ces 200 francs en représenteront 10,000. L’hectare de