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Ce n’est donc pas précisément par calcul que les particuliers ont été généralement entraînés à sacrifier leurs réserves et à compromettre jusqu’à l’avenir de leurs taillis, mais par l’appât de réaliser, même à perte, un capital en argent dont ils avaient besoin. On retrouve toujours, quand on examine une branche quelconque de notre économie rurale, la pauvreté et ses mauvais conseils. Heureusement, pour être générale, cette tendance n’est pas universelle. Il y a encore parmi nous des propriétaires riches et économes qui peuvent s’arrêter. Sans doute on ne doit pas songer à soi, quand on plante ou qu’on aménage ses bois à long terme, mais si l’homme se réglait, toujours sur la brièveté et l’incertitude de la vie, il ne ferait rien. Nous travaillons à tout instant pour les générations futures. Que serions-nous si les générations passées n’avaient pas travaillé pour nous ? En toute chose, la richesse ne peut s’accroître que par la formation de nouveaux capitaux, l’agriculture proprement dite en est là comme la sylviculture. Pour les bois, le capital se présente sous sa forme la plus élémentaire, l’épargne ; il n’est pas nécessaire de dépenser, il suffit de ne pas recueillir trop tôt. Que chacun s’impose seulement une réduction d’un dixième sur ses coupes, ce sera déjà sensible, et le sacrifice ne sera pas grand, car on relèvera sans doute ainsi la valeur des bois de feu, et on regagnera sur le prix ce qu’on perdra sur la quantité.

Dans tous les cas, si la pauvreté ou l’imprévoyance des particuliers ne leur permet pas de sortir de cette situation pénible par un effort prolongé, il y a un très grand propriétaire qui peut et doit donner l’exemple de la bonne exploitation : c’est l’état. L’état administre aujourd’hui 3 millions d’hectares de bois, dont 1,200,000 environ lui appartiennent en propre, et 1,800,000 aux communes et aux établissemens publics. Sa gestion est déjà très supérieure à celle des particuliers ; soit en capital, soit en revenu, ses bois l’emportent en moyenne d’un quart au moins sur ceux de la propriété privée. Ce n’est pas encore assez. Lui-même a cédé trop souvent à la tentation d’augmenter son revenu aux dépens de son capital, soit par des aliénations successives qui s’élèvent depuis quarante ans à 300,000 hectares, soit par des coupes trop répétées ; voici le moment de faire un pas de plus, et d’entrer résolument dans la voie féconde des aménagemens prolongés. Plusieurs circonstances l’y convient, d’abord l’avilissement des bois de feu, dont il souffre tout le premier comme producteur ; ensuite la hausse des bois de marine et de construction, dont il souffre comme consommateur. Le produit brut des forêts de l’état a atteint 38 millions en 1845, mais il n’a jamais pu remonter à ce chiffre depuis, et il est aujourd’hui tout au plus de 30. Beaucoup de coupes de taillis sont restées invendues dans ces dernières années. En même temps on voit, ce qui n’était