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Corse, l’élégant pin d’Alep, le pin à parasol, d’un si grand effet dans le paysage ; le cèdre, qui forme à Teniet-el-Had une véritable forêt, pleine d’arbres gigantesques ; l’orme, le frêne, le platane d’Orient, le saf-saf ou peuplier blanc ; l’olivier lui-même, qui peut être utilisé pour son bois comme pour son fruit, et dont on nous a montré un tronc énorme qui doit être contemporain de Jugurtha, et une foule d’autres. On peut en outre y naturaliser les meilleures variétés du climat méditerranéen, comme le chêne à la noix de galle ; je ne parle pas des espèces empruntées aux climats tropicaux, parce que leur acclimatation est plus douteuse.

On s’est d’abord occupé, et avec raison, de l’exploitation des bois existans. Un ingénieur de la marine, qui a été envoyé exprès sur les lieux, a reconnu l’existence de 30,000 hectares de futaies de chêne-zân, pouvant fournir par an 6,000 mètres cubes de bois de marine, 60,000 de bois d’industrie, et 200,000 stères de bois de feu, c’est-à-dire une valeur annuelle de plusieurs millions. Déjà deux bâtimens de commerce ont été construits dans les ports de l’Algérie avec des bois du pays, l’un lancé en 1854 à Alger, l’autre à Philippeville en 1855. Voilà certes un des plus grands pas qu’ait faits le futur empire africain depuis sa fondation. Du temps des deys, on construisait des vaisseaux à Alger, et tout un système avait été organisé pour communiquer avec les chefs des montagnes forestières par un entrepreneur spécial, nommé caïd des bois. Cette tradition avait été interrompue, comme beaucoup d’autres, par la guerre ; elle se rétablit maintenant avec la paix. En même temps on a concédé à plusieurs entrepreneurs l’exploitation d’environ 16,000 hectares de chênes-lièges pendant quarante ans, et on cherche, autant que possible, à faciliter par des routes l’accès des autres massifs forestiers. Le présent y trouvera une ressource précieuse, mais c’est l’avenir surtout qui importe.

On y songe, je le sais ; ce n’est ni la bonne volonté ni le savoir qui manque, c’est l’argent. Avec un seul million de plus par an, on ferait des merveilles. À 50 francs par hectare, on pourrait avec ce million en semer tous les ans vingt mille. Plus de la moitié du sol forestier actuel ne porte que des broussailles qui ne produisent rien, et qui ont toute sorte d’inconvéniens ; repaire des bêtes féroces, elles offrent en même temps une proie facile à l’incendie, une des habitudes les plus invétérées des Arabes. Avec des recépages, des élagages, des nettoiemens, des éclaircies, on arriverait à transformer avec le temps la plus grande partie en futaies qui n’auraient plus les mêmes dangers et qui vaudraient mille fois davantage. L’état seul peut se charger de ce soin. Si même il était nécessaire d’établir en Afrique une école forestière spéciale, le but en vaudrait la peine. L’état peut compter un jour par centaines de millions le revenu