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LE


THEATRE-FRANCAIS


EN 1855




L’année n’a pas été bonne pour le Théâtre-Français et comptera sans doute parmi les plus stériles. On dirait que les conditions élémentaires de l’art dramatique passent à l’état de lettre morte. Ce n’est pas que je méconnaisse l’habileté très réelle déployée par les écrivains qui prennent les comédiens pour interprètes ; malheureusement cette habileté n’est pas dirigée avec sagacité. Les auteurs qui occupent la scène, et qui sont en possession de la sympathie publique, attachent plus d’importance aux entrées et aux sorties qu’au dessin des personnages, au développement des caractères. Aussi le Théâtre-Français n’a-t-il obtenu cette année que des succès de courte durée. Après quelques soirées où la nouveauté servait d’appât à la curiosité, mais où la pensée ne trouvait pas à se nourrir, l’indifférence prenait la place de l’empressement, et les comédiens étaient obligés de fouiller dans les cartons pour offrir à la foule un appât nouveau : personne en effet, parmi les spectateurs, n’éprouvait le besoin de revoir ce qu’il avait vu. Or c’est pour les œuvres dramatiques, aussi bien que pour les livres, un signe certain d’imperfection. Les comédies et les drames qui ont touché le but laissent dans l’âme des spectateurs un souvenir profond et suscitent le désir d’une émotion nouvelle. Si le cœur est attendri, si l’esprit est convaincu, soyez sûr que la foule voudra entendre une seconde, une troisième fois les