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Il y a beaucoup d’esprit dans le Gâteau des Reines. Malheureusement M. Léon Gozlan est trop préoccupé du procédé de Beaumarchais, qui cherche l’effet dans chaque phrase. Ce n’est pas d’ailleurs le seul reproche que je doive adresser au Gâteau des Reines. Il n’y a pas une scène de cet ouvrage où l’on ne trouve le souvenir de Mademoiselle de Belle-Isle, quelquefois même l’imitation est poussée jusqu’à la contrefaçon. Ainsi l’épisode des billets brûlés est répété presque mot pour mot dans le Gâteau des Reines. Il est bon sans doute de tenir compte des œuvres accomplies, mais il est au moins imprudent de les copier. M. Gozlan ne s’est pas assez défié de l’excellence de sa mémoire. Mademoiselle de Belle-Isle est une des œuvres les plus vives de M. Dumas ; à la bonne heure ! Ce n’est pas une raison pourtant pour calquer sur cette comédie, justement applaudie, une comédie nouvelle qui nous oblige à saluer des traits spirituels comme de vieilles connaissances. Je sais bien que dans la pièce de M. Gozlan il s’agit de dépêches diplomatiques, tandis que dans la pièce de M. Dumas il s’agit de billets amoureux. Cette différence ne suffit cependant pas pour déguiser l’imitation. Nous retrouvons Mme de Prie telle à peu près que nous l’avons vue dans Mademoiselle de Belle-Isle² fière, impertinente, rusée, cherchant dans ses vices la gloire qu’une autre femme chercherait dans ses vertus. Quant à l’histoire proprement dite, il n’en est guère question dans le Gâteau des Reines. On dirait que M. Gozlan étudie l’histoire au théâtre, et qu’il ne prend pas la peine de recourir à d’autres sources d’information. Les conséquences de cette méthode étaient faciles à prévoir, et se sont pleinement réalisées : M. Gozlan possède maintenant les entrées et les sorties, l’art de mettre un mot en évidence, d’appeler l’attention sur un acteur, toute la partie matérielle de sa profession. Quant au développement des caractères, quant à l’analyse des sentimens, il ne paraît pas en prendre grand souci, et je dois dire que le public semble, par son indulgence, lui donner raison. Il multiplie les incidens, les coups de théâtre ; il étonne, il amuse, il n’intéresse pas, et cependant il fait de grands efforts pour intéresser ; mais ses efforts sont mal dirigés : il confond à plaisir les lois du roman et les lois du théâtre. Ce n’est pas que j’approuve le roman qui se propose uniquement d’exciter la curiosité. Toutefois, dans un roman, la curiosité peut jouer un plus grand rôle que dans le développement d’une action dramatique. Mis en récit, le Gâteau des Reines réunirait peut-être de nombreux suffrages ; dialogué, mis en scènes, il étonne d’abord par quelques mots heureux, puis bientôt l’attention languit, et l’on se demande ce que l’auteur a voulu faire. La corruption où il se complaît, le fumier qu’il remue, finissent par vous donner des nausées. On a peine à comprendre qu’il nous montre Stanislas et sa fille, Marie Leczinska,