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de représenter toute la dette flottante russe. Il existe dans l’empire, sous la garantie expresse du gouvernement, des établissemens de crédit, — lombards, banques et autres, — débiteurs d’une masse de capitaux déposés en compte-courant a 4 pour 100 par année, s’élevant ensemble, suivant le rapport du ministre des finances russe, au 1er janvier 1853, à 806,683,233 roubles, ou 3,224, 332,932 francs, immédiatement exigibles. Et cette somme énorme ne se trouve représentée, dans les divers établissemens dont nous parlons, que par des titres de placemens, la plupart hypothécaires, dont la valeur n’est réalisable qu’à longs termes et par annuités. Comme l’a très bien dit M. Faucher, ces établissemens « prêtent en dette fondée et empruntent en dette flottante, » de telle sorte que si tous les créanciers réclamaient à la fois le remboursement de leurs dépôts, les débiteurs directs se trouvant hors d’état d’y faire face, il y aurait aussitôt recours en garantie contre le gouvernement, qui serait tenu d’y pourvoir[1].

La conséquence irréfutable d’un ici état de choses, c’est que le gouvernement ne peut demander un surcroît de ressources financières ni à l’emprunt ni à la dette flottante. Reste l’impôt. C’est avec ce dernier expédient financier qu’il s’agit de parer à un déficit qui était de 100 millions de francs à la fin de 1854, et qui doit s’accroître de 300 millions au moins par chaque nouvelle année de guerre.

Selon le publiciste russe dont nous prenons les données pour base, « la matière imposable est loin d’être épuisée en Russie comme dans beaucoup d’autres pays. » Le tabac rapporte moins de 12 millions de francs, le sel en produit moins de 40, les patentes n’en fournissent que 16, — d’où l’on conclut que ces matières peuvent être aisément surtaxées et rendre plus à l’état. Ce raisonnement est-il fondé ?

La consommation du tabac est moins répandue en Russie qu’en Allemagne, en France et en Espagne, surtout parmi les classes inférieures, chez qui elle diminuerait rapidement, si le prix en était exhaussé par une aggravation de l’impôt qui la frappe. On peut croire que la plus forte partie du produit actuel de cet impôt provient de l’importation des cigares de La Havane, consommés par les classes riches et déjà lourdement taxés. En somme, il serait difficile d’obtenir

  1. M. Tegohorski, parmi les argumens qu’il présente contre la possibilité d’une demande subite de remboursement, cite la confiance dont jouissent les établissemens dépositaires. Si robuste qu’elle soit, cette confiance ne saurait être à toute épreuve. Il écarte de la dette flottante les dépôts appartenant à des établissemens publics, institutions et corporations placées sous la totale du gouvernement. Avec ces réductions, le chiffre de la dette tomberait à 3 milliards 200 millions de francs, et resterait encore effrayant. Remarquons en outre que la somme des dépôts a été très peu accrue en 1854, et qu’elle ne comprenait pas les dépôts du royaume de Pologne, s’élevant a 138 millions de francs.