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les premiers actes, comme un reflet de la situation de chaque pays. En Belgique, on le sait, il y a depuis quelque temps en fonctions un ministère catholique au fond, mais dont les principaux membres, tels que M. Vilain XIIII et M. Dedecker, se sont proposé de faire prévaloir une politique de modération et de conciliation entre les partis. C’est en présence de ce ministère que les chambres ont repris leurs travaux, que le roi a prononcé son allocution habituelle, et que les deux corps du parlement ont eu à discuter leur réponse au discours de la couronne. Dans le sénat, la question n’a point été, douteuse, elle a été promptement résolue en faveur du gouvernement actuel. Dans la chambre des représentans, la réponse au discours du roi a fini par être également votée, telle que la présentaient les amis du cabinet. Il s’en faut cependant que le ministère ait eu ici une victoire incontestée. Un paragraphe de l’adresse n’a été adopté que par une faible majorité, ou plutôt c’est un amendement proposé sur ce paragraphe, secrètement hostile, qui a réuni une assez imposante minorité et a montré les deux fractions de la chambre presque en équilibre.

Les luttes d’opinion existent aussi dans le Piémont. Tous les partis se sont confondus cependant dès l’ouverture du parlement dans un témoignage de sympathie et de concours offert au roi Victor-Emmanuel, en présence des malheurs qui l’ont frappé depuis un an et de la guerre dans laquelle il est engagé de concert avec la France et l’Angleterre. C’est là le premier acte des chambres piémontaises, le plus significatif et le plus sérieux. À la veille de la session, le gouvernement avait nommé président du sénat M. le marquis Alfieri ; la chambre des députés a élu à son tour pour son président M. Boncompagni : deux choix certes des plus rassurans pour toutes les opinions, et qui sont, on peut le croire, un gage de modération aussi bien que de concorde entre tous les pouvoirs publics. C’est donc sous des auspices favorables que s’est ouvert le parlement piémontais, et que le roi a pu entreprendre son voyage en France et en Angleterre. Il ne s’ensuit nullement que les questions intérieures ne renaîtront pas entre les partis ; elles renaîtront sans aucun doute, et elles ont leur gravité. Du dehors même des démêlés qui existent avec Rome, il en est une surtout qui peut prendre une importance particulière en raison de la situation présente et des efforts imposés au pays : c’est la question des finances. Le président du conseil, M. de Cavour, a laissé pressentir un déficit considérable, qui s’élèvera à 28 millions. D’un autre côté, les questions d’impôts sont vivement agitées depuis quelque temps. C’est sur ces points, selon toute probabilité, que porteront les principaux débats parlementaires. Prétendre que les partis ne tireront point avantage de cette situation, des souffrances des populations, et que, la discussion s’animant, la politique tout entière du gouvernement ne sera pas mise en cause, ce serait trop dire ; mais il y a un fait à constater, de quelque façon qu’on le juge : le difficile serait de remplacer le cabinet actuel. Le talent de M. de Cavour, l’habileté avec laquelle il a su manier les institutions constitutionnelles expliquent l’ascendant qu’il a pris dans le conseil et dans les chambres. Il est vrai de dire aussi que peu d’hommes publics dans le Piémont se soucieraient de recueillir son héritage, de sorte que M. de Cavour trouve la garantie de son maintien au pouvoir dans la situation qu’il s’est faite, et que son habileté d’homme d’état est engagée à