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réclame pour la mémoire de son frère ; ma réponse sera bien simple et ne laissera, je l’espère, aucun doute sur la nature de ma pensée. Depuis dix ans, j’entendais comparer M. Froment Meurice à Benvenuto Cellini. Cette comparaison imprudente, essayée d’abord en prose, s’est plus tard traduite en vers. Après les panégyriques de MM. Jules Janin et Théophile Gautier, nous avons eu une petite ode heplasyllabique de M. Victor Hugo, dont le sens ne saurait être obscur pour personne : M. Victor Hugo donne le nom de frère à M. Froment Meurice. Or, si le public estime très haut le talent de M. Hugo, M. Hugo de son côté sait très bien ce qu’il vaut, et s’il eut connu les documens qui me sont fournis par M. Paul Meurice, j’ai tout lieu de penser qu’il n’eût jamais donné à M. Froment Meurice le nom de frère qui sert d’exorde à la petite pièce lyrique dont je viens de parler. Je n’ai pas à discuter ici les doctrines développées ou du moins indiquées dans cette pièce. Le poète ciseleur, le ciseleur poète, n’ont rien à voir dans la présente discussion. Que la miette de Cellini vaille ou ne vaille pas le bloc de Michel-Ange, c’est un point placé en dehors du débat. Des miettes comme le Persée de Florence, comme la Nymphe de Fontainebleau sont des miettes un peu grosses, et je crois volontiers que la rime est seule coupable de cette expression par trop hardie. Je ne vois, je ne veux voir dans cette pièce qu’un argument utile à ma défense, et qui suffit à me justifier : M. Victor Hugo compare M. Froment Meurice à Benvenuto Cellini. J’ai voulu combattre cette erreur, accréditée depuis dix ans ; était-ce mon droit ? M. Paul Meurice me prouve, et je m’en réjouis, que son frère a révélé généreusement aux jurys de 1844, 1849 et 1851, les noms de ses collaborateurs. C’est à merveille ; mais pourquoi cette révélation faite aux jurys n’a-t-elle pas été reproduite dans le Catalogue officiel de l’exposition universelle ? Les documens qui me sont fournis par M. Paul Meurice ont été tirés à quelques centaines d’exemplaires, et celui qui voudrait se les procurer bourse en main serait sans doute fort empêché. Je me trouve dans la condition commune, je n’ai fait partie d’aucun jury, et je ne les connaissais pas : qui donc oserait m’accuser de négligence ? J’ai acheté, j’ai consulté le Catalogue officiel de l’exposition universelle, et à côté du nom de M. Froment Meurice je n’ai trouvé le nom d’aucun collaborateur. Est-ce ma faute, si l’intention généreuse de M. Froment Meurice, réalisée trois fois, mais d’une manière trop étroite, par les révélations faites aux jurys de 1844,1849, 1851, n’a pas été comprise par ceux qui le représentent et réalisée une quatrième fois, mais d’une manière plus large, dans le Catalogue officiel de l’exposition universelle ? Si je n’ai pas su ce qu’on m’apprend aujourd’hui, à qui faut-il s’en prendre ? M. Panis, qui a publié le Catalogue officiel, a profité de tous les documens qui lui ont été fournis par les exposans. Pourquoi les représentans de M. Froment Meurice ont-ils oublié de renouveler à cinquante mille exemplaires les révélations faites au jury ? Je ne me charge pas de résoudre cette question, et je crois volontiers que le lecteur le plus pénétrant ne serait pas moins embarrassé que moi ; mais il demeure du moins établi que je n’ai pas voulu calomnier la mémoire de M. Froment Meurice. Calomnier, c’est altérer sciemment la vérité que l’on connaît. Altérer la vérité à son insu, altérer la vérité que l’on ignore, qu’on n’a pu deviner, c’est se tromper, et c’est la seule faute qu’on puisse me reprocher. Je n’ai jamais calom-