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comme un homme ferme, habile, heureux dans les entreprises difficiles. Sa supériorité autant que son ambition devait désormais lui interdire tout repos et lui susciter des rivaux et des ennemis. Ce n’est guère que le privilège de la médiocrité patiente de s’avancer par des voies faciles et de désarmer les rivalités en évitant les luttes.

Telle était la situation d’Omer-Pacha lorsque dans le mois de juin 1848 une révolution éclata à Bucharest. Le prince Bibesco, impuissant à comprimer l’agitation, qu’on l’accusait, ainsi que son frère, d’avoir en partie suscitée, quitta les principautés sans essayer la lutte, et Soliman-Pacha, envoyé par le divan pour rétablir l’ordre en Valachie, se borna à régulariser pour ainsi dire la révolution, à l’installer et à assister plutôt encore comme spectateur bienveillant, mais inactif, que comme tuteur intelligent et ferme aux tentatives stériles et aux troubles inévitables d’un gouvernement qui n’avait pas de conditions de durée. La Porte-Ottomane, voulant réparer les fautes commises par Soliman-Pacha, mise d’ailleurs en demeure d’agir par la Russie, qui était armée par les traités, et surtout par son ascendant, du droit d’intervenir dans les principautés, résolut d’y envoyer un commissaire impérial et un nouveau chef militaire. Le commissaire impérial était Fuad-Effendi, aujourd’hui Fuad-Pacha et ministre des affaires étrangères, alors grand-référendaire du divan. Omer-Pacha commandait le corps d’occupation.

Il n’entre pas dans notre plan de raconter aujourd’hui la mission de Fuad-Effendi ; c’est le rôle du général appelé à le seconder qu’il s’agit surtout de faire connaître. Omer-Pacha passa le Danube à Giurgevo au mois de septembre 1848, non loin du village d’Oltenitza, et tout près de l’île de Ramadan, dont les noms ont été rendus célèbres par les armes turques en 1853 et 1854. Il se trouvait sur un grand théâtre, mais il ne jouait pas encore le premier rôle. Revêtu de pouvoirs considérables, représentant la personne du sultan, envoyé pour organiser le gouvernement des deux principautés, doué de qualités brillantes, Fuad-Effendi dirait pour la première fois aux yeux étonnés des Moldo-Valaques un diplomate musulman, jeune encore, d’une physionomie agréable, d’un esprit charmant, récemment chargé de missions importantes auprès de trois reines. Nul ne pouvait parmi eux soupçonner ce qui se cachait d’étude sous l’apparent abandon de Fuad-Effendi parlant de la grandeur de l’Angleterre et de l’éloquence de ses hommes d’état, des merveilles de l’Alhambra et des beautés du Tage. La poitrine couverte d’ordres de chevalerie qui ornaient pour la première fois l’uniforme d’un musulman, Fuad-Effendi devait absorber presque toute l’attention et presque tout l’intérêt dans les capitales de la Valachie et de la Moldavie. Les diplomates et les généraux russes n’étaient pas hommes