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ennemis, qui peuvent à tout instant se multiplier avec une abondance funeste. Le hasard apprend quelquefois à s’en défaire ; je ne sais quel accident aura montré à nos jardiniers qu’une goutte d’huile versée dans le trou d’une courtilière la forçait à remonter pour mourir. D’autres procédés empiriques sont employés. Les Anglais n’ont pu préserver leur culture fondamentale, le turneps, des ravages de l’altise ou puce de terre qu’en pressant à force d’engrais la végétation de la plante, car dès qu’elle a mis sa quatrième feuille, elle est à l’abri. Plus souvent les cultivateurs s’abandonnent à la fatalité, et s’il arrive que les insectes ravageurs disparaissent quelquefois, soumis qu’ils sont eux-mêmes à d’innombrables chances de destruction, il arrive aussi que le fléau se perpétue à l’aide de circonstances favorables. Il n’y a que la science, l’observation infatigable, qui puisse, en étudiant les mœurs et le mode de propagation de ces imperceptibles armées, donner avec sûreté des armes contre elles. Les vignes de la Bourgogne étaient dévastées par la pyrale ; le naturaliste Audouin découvrit dans la vie de l’insecte un moment où il était facile de le détruire, et depuis lors il n’est plus à craindre. Sans doute, en examinant d’aussi près les autres parasites, on parviendra de même à les vaincre.

J’en dirai autant de ces maladies mystérieuses de la végétation qui font depuis quelques années le désespoir des cultivateurs. L’imagination publique s’en est frappée ; quelques esprits ont été jusqu’à supposer une dégénérescence de la planète que nous habitons, une sorte d’épuisement des élémens. Ces craintes sont chimériques. Les maladies dont il s’agit n’ont rien de nouveau ; elles ont sévi de tout temps sur les plantes, comme d’autres sur les animaux et sur les hommes, et si elles ont pris tout à coup plus d’intensité, c’est par suite de circonstances atmosphériques essentiellement passagères. Autrefois on en souffrait sans les connaître, sans les étudier et les nommer, mais au lieu d’avoir moins de gravité que de nos jours, elles en avaient souvent davantage. De même que le choléra, quelque redoutable qu’il soit, n’est pas comparable à la peste noire et aux autres épidémies dont l’histoire nous a conservé le lugubre souvenir, de même le déficit de récolte qu’amène ce qu’on appelle le choléra des plantes n’est rien auprès des famines épouvantables que les mêmes causes entraînaient autrefois. Quand on étudie l’histoire de la production, on voit que les bonnes et les mauvaises années se succèdent dans un ordre en quelque sorte régulier. C’est le fameux apologue des vaches grasses et des vaches maigres, qui remonte bien haut.

Qu’est-ce que l’art de la culture, sinon la lutte contre ces influences morbides qui nous menacent toujours ? Tu mangeras ton