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Les officiers et les soldats ne se rendirent pas seulement coupables d’exactions ; ils maltraitèrent aussi les paysans et les prêtres, violèrent les femmes et les enfans. Des plaintes déchirantes arrivèrent à l’oreille d’Omer-Pacha ; mais ses réponses, sévères jusqu’à la dureté, découragèrent les malheureux chrétiens, qui n’eurent plus qu’à gémir en silence. Le général en chef ne voyait en eux que les instrumens du panslavisme et de l’Autriche : aussi les frappait-il sans pitié. Les Turcs applaudissaient à ces violences, et quelques-uns même profitèrent de l’occasion pour se débarrasser de leurs créanciers, qu’ils faisaient arrêter comme suspects, et qui ne recouvraient leur liberté qu’à prix d’argent. Le désarmement avait donné à la fin de février 1852 dix-huit mille fusils, soixante-dix fusils de rempart, vingt et un mille paires de pistolets, quatre mille cinq cents sabres et sept mille yatagans, qui furent déposés dans l’arsenal de Sarajevo. Des Turcs en mesure d’être bien informés prétendaient cependant que ce nombre ne représentait que le tiers des armes aux mains des chrétiens.

La mission d’Omer-Pacha en Bosnie touchait à son terme, et le séraskier ne tarda pas (mars 1852) à recevoir l’ordre de se rendre à Constantinople. Il se mit immédiatement en route, accompagné de tout le personnel de sa chancellerie de guerre. On apprit plus tard qu’il avait été appelé à Constantinople, ainsi que l’intendant de son corps d’armée, pour rendre compte de ses opérations administratives. De sérieuses accusations étaient articulées contre Omer-Pacha, Ce qui est notoire, c’est que le résultat de l’enquête de la Porte fut la destitution de tout le personnel de l’administration de l’armée elle renvoi des secrétaires particuliers d’Omer-Pacha, à qui on en imposa d’autres. Le vainqueur des insurgés bosniaques fut maintenu dans son poste de gouverneur militaire de Roumélie, mais il n’exerça plus aucune influence dans la province qu’il avait soumise, et où la supériorité du général d’armée n’avait pu faire oublier les fautes du chef politique. Une époque plus glorieuse allait cependant s’ouvrir pour le muchir devenu serdar.


EUGENE POUJADE.