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Pays-Bas depuis ces dix-huit dernières années ; elle s’est accrue de 12 millions de tonnes. La consommation de la houille s’est élevée en même temps d’un million et demi d’hectolitres, d’où il résulte que le progrès de l’industrie des tourbes a été de cinquante fois plus actif que celui de l’industrie des houilles. Il convient maintenant d’établir le rapport calorifique entre les deux combustibles. La houille gagne moitié sur la tourbe ; mais si deux quintaux de tourbe produisent le même effet dans un foyer qu’un quintal de houille, la tourbe coûte beaucoup moins cher que le charbon de terre. Il y aurait donc économie à se servir du combustible né sur le sol de la Hollande. On peut d’ailleurs voir dans l’usage de la tourbe plus qu’une raison d’économie ; on peut y découvrir pour les Pays-Bas une question de haute politique. Par l’emploi de la houille et du coke, les fabriques, les chemins de fer, la navigation, les assèchemens de la Néerlande deviennent dépendans de l’étranger. La tourbe est au contraire un élément d’indépendance nationale : les Hollandais devaient donc chercher les moyens d’alimenter la vapeur, c’est-à-dire le mouvement, avec le combustible que leur a donné la nature.

Le volume que présente la tourbe a été jusqu’ici un obstacle à l’emploi de cette matière dans les grands travaux et les services publics. La tourbe occupe trois ou quatre fois plus d’espace que la houille. On a cherché à vaincre cet obstacle par des moyens plus ou moins ingénieux. Des établissement se sont fondés pour comprimer la tourbe. Trente mille kilos de substance tourbeuse des hautes tourbières peuvent se réduire par la condensation à cinq mille kilos. On a été plus loin, on a transformé la tourbe ainsi comprimée en charbon. J’ai visité un de ces établissemens où par voie de suffocation, dans de grands fours en maçonnerie, on fabriquait une nouvelle espèce de coke. L’aspect de ces morceaux de tourbe carbonisée était vraiment celui du combustible minéral dont ils avaient la couleur. Avec deux mille kilos de tourbe condensée, on obtient mille kilos de coke. Ces essais industriels sont très curieux à titre d’expérience ; mais jusqu’ici les bénéfices ont été problématiques[1]. La tourbe, quoique maniée et remaniée par l’industrie de l’homme, n’a pu lutter encore avec la houille sur le terrain du mouvement par la vapeur. Le steamer sur lequel je traversai le Zuiderzée, de Zwol à Amsterdam, était cependant alimenté par la tourbe ordinaire. J’observais

  1. Au nombre des essais tentés pour douer de propriétés artificielles le combustible donné par la nature, il ne faut pas oublier la combinaison de la tourbe avec le charbon de terre. On a fabriqué ainsi des mottes inflammables qui ont une certaine valeur industrielle ; mais tout l’art de l’homme ne saurait douer la matière d’une puissance calorifique qu’elle n’a pas. L’alliance des corps étrangers apporte une force auxiliaire à la tourbe, elle ne la transforme nullement.