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extrémités de l’annexe que cette représentation avait lieu ; l’activité de cinquante usines y était résumée dans une étroite enceinte. Quelle agitation et quel bruit ! ici une pompe à feu vomissait l’eau par cascades, là des blocs de bois étaient débités en planches, ou se présentaient à la scie dans le sens des lames ou sous l’angle voulu, comme dans la machine de Normand ; plus loin, le liège, sous l’appareil de M. Jacob, se découpait en bouchons coniques ; plus loin encore, une roue de wagon s’ajustait sous le tour à quatre outils inventé par M. Polonceau ; enfin, à l’aide d’une foule d’instrumens portatifs, on pouvait voir des clous se façonner, des fils de fer et des épingles se faire, des bustes se dégrossir et se sculpter, mille riens, mille objets ingénieux, obtenus à l’aide de procédés plus ingénieux encore.

Et ce n’était là que de la petite industrie et des jouets auprès des grands métiers de la filature et des tissus. Ces métiers avaient aussi leurs représentations et leurs fêtes. En véritables seigneurs, ils chômaient quelquefois et avaient leurs caprices ; mais il fallait les voir dans les jours d’apparat ! C’était à en être émerveillé et assourdi ! Pas un d’entre eux qui ne voulut se mêler à ce bruit, à ce mouvement, à cette activité. Tous reprenaient leur point d’appui sur l’arbre de couche et s’ébranlaient à qui mieux mieux. Ils dévoraient alors le coton et la laine avec une ardeur tumultueuse, et au milieu du cliquetis de leurs innombrables engins dépeçaient et tordaient la matière, l’allongeaient en brins imperceptibles, et l’enroulaient ensuite sur des bobines rapides comme l’éclair. À voir ce travail si prodigieux et si régulier dans son désordre, on ne savait qu’admirer le plus ou de la nature, qui en fournit les élémens, ou de l’homme, qui a su en tirer un tel parti. Que de temps et d’essais il a fallu pour en venir là, depuis le métier à la fin, inventé au début du XVIIe siècle par Claude Dagon, jusqu’au métier Jacquart et aux mull-jennys ! On sait que la filature automatique du coton est d’origine anglaise ; nos voisins y sont restés maîtres, et c’est encore à eux qu’il faut s’adresser pour les meilleurs appareils. Cependant un de nos constructeurs, qui est filateur en même temps, M. Schlumberger, n’a pas craint d’engager la lutte, et on a pu voir, à quelques pas de distance, les assortimens complets d’une filature dans l’un et dans l’autre pays. M. Platt tenait pour l’Angleterre. M. Schlumberger pour la France. Il n’y a lieu ni de juger ni de comparer. La filature anglaise n’a perdu aucun de ses avantages ; mais sur l’exposition de M. Schlumberger on peut mesurer le degré de perfectionnement où sont arrivés nos constructeurs pour les machines à coton. Dans la filature mécanique du lin, la France retrouve la priorité ; c’est à Philippe de Girard que l’on doit la première peigneuse. Depuis cette découverte,