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et les beaux produits de M. Vercruysse-Bruneel y ont été fort remarqués. La Suisse entre à son tour en ligne, on dirait qu’elle ne veut demeurer étrangère à aucune industrie textile ; elle a la soie, elle veut avoir le lin, et s’y prend de manière à ne pas essuyer de démenti.

L’industrie des tissus de laine est vieille comme le monde et n’y a jamais décliné. Depuis l’homme qui se préserva du froid au moyen d’une toison jusqu’à celui qui se couvre du drap le plus fin, la laine a toujours eu dans le vêtement la première et la plus importante place. Aussi s’est-on ingénié partout et dans tous les temps à lui donner les formes les plus commodes et les plus variées ; les anciens savaient la teindre, savaient la lisser ; plusieurs peuples y ont excellé. Le génie moderne n’y a point épargné ses efforts : jamais la laine ne se prêta à des emplois et à des traitemens plus divers. On la foule et on la drape, c’est le procédé ancien ; on la tisse sans la fouler, enfin on la combine avec d’autres matières, c’est la découverte la plus récente et celle qui est le plus susceptible de perfectionnemens. En général, pour la draperie et le foulage, ce sont des laines courtes et vrillées que l’on emploie ; les laines longues se tissent, et on en tire les beaux mérinos châlys, les stoffs, les châles croisés, qui sont un des plus beaux titres de l’industrie française. Dans les articles à long poil, l’Angleterre a des ressources qui lui sont propres ; elle trouve dans ses bergeries les belles laines de southdown, de dishley, de cheviot, qui servent à la fabrication des tartans. Sous ce rapport, la France est un peu dépourvue. Pour les draperies supérieures, il faut qu’elle tire ses matières de l’Allemagne, pour les articles intermédiaires de l’Australie et de la Russie. Des droits exorbitans et une législation indigeste ajoutent encore aux embarras extérieurs de l’industrie. Cependant elle marche, elle grandit : on fait incomparablement mieux et à meilleur compte qu’il y a vingt ans. Quoique les salaires aient augmenté, le mètre de mérinos qui valait alors 12 francs n’en vaut plus que 3. Même progrès dans les barèges, les mousselines-laine et les articles de fantaisie. Ce que nous en avons vu à l’exposition ne fait que confirmer ce sentiment ; les vétérans du mérinos s’y trouvaient auprès de nouveaux athlètes, et tous s’y sont distingués. Quant à la draperie, elle a fait des efforts pour y paraître dignement ; tous les grands foyers de production et presque tous les grands manufacturiers ont tenu à honneur d’y figurer. Plusieurs ont reçu des récompenses auxquelles l’opinion publique s’est associée. Pour les qualités ordinaires et inférieures, nous restons, il est vrai, bien au-dessous de l’étranger : l’Autriche, la Prusse, l’Angleterre, la Belgique, l’Espagne même, donnent à des prix plus modérés que nous des draps qui, pour manquer de finesse