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deux sont corrélatifs : séparés, ils ne signifient rien ; réunis, ils représentent la condition de l’individu. Souvent avec une dépense moindre il y aura plus de besoins satisfaits, et moins de besoins satisfaits avec une dépense plus forte. Cela dépend du prix des choses et de la qualité non moins que du prix. L’exposition des produits usuels allait en rendre la démonstration sensible ; elle allait établir à tous les yeux, et par la meilleure des preuves, les conditions de l’existence au dehors et chez nous, nos moyens de vivre et ceux de l’étranger.

L’expérience a été incomplète, et elle est à suivre ou à recommencer. Parmi les industries qui étaient représentées dans la galerie d’économie domestique, l’absence des grands établissemens était manifeste, et enlevait à une étude comparée ses meilleurs et plus fructueux élémens. De leur part, c’était dédain évident ou défiance invétérée. D’autres industries, et des plus essentielles, faisaient complètement défaut. Ainsi les toiles peintes, dans les conditions du bon marché, manquaient absolument ; ni l’Alsace, ni la Normandie, ni l’Angleterre n’avaient rien exposé ; les soieries économiques de l’Allemagne et de la Suisse n’y figuraient pas non plus à côté de celles d’Avignon et de Lyon. Même lacune dans les métaux, les fers, les aciers, la coutellerie, les rasoirs, les outils, les instrumens. Les lainages n’y tenaient pas la place qu’ils auraient dû y tenir, ni les tissus de fil et de coton, ni les broderies et les mousselines à bas prix. Cependant, malgré ces vides, il y a eu plus d’un fait à recueillir. Pour la draperie, l’épreuve a été des plus concluantes, et l’Allemagne en a eu les honneurs. En revanche, sur les velours de coton destinés aux vêtemens d’hommes, sur les porcelaines d’usage courant, sur les couvertures de laine, sur les flanelles, sur les bas de coton, sur les chemises de tricot, sur les caleçons, les fabricans anglais regagnaient amplement le terrain perdu. On ne saurait imaginer jusqu’où descend ce rabais ; il est de nature à faire naître l’incrédulité ; d’excellens bas d’hommes à 3 fr. 75 cent, la douzaine, des bas d’enfans à 40 cent, la douzaine, des couvertures de laine à 3 francs 75 cent., des chemises de tricot à 7 francs la douzaine, et ainsi du reste.

Si j’ai insisté sur ces détails, c’est pour en tirer une conclusion, que je crois fondée, sur l’ensemble de l’exposition de 1855. Volontiers, quand on compare l’industrie étrangère à la nôtre, on cède à un mouvement de fierté nationale, et l’on s’adjuge la supériorité. Lisez les opinions écrites, écoutez les appréciations verbales, partout vous retrouverez ce sentiment, que pour telle industrie, et de proche en proche on en arrive à les nommer toutes, la France n’a rien à envier au reste de l’Europe, et qu’elle a le droit de s’enorgueillir de ce qu’elle produit. Ce qu’à y a de plus curieux dans ce certificat qu’on