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conjurés, qu’il écrit à une assez grande distance, de l’événement, en sûreté, et encore une fois sans nul intérêt, ne craignant plus rien de Mazarin, qui vient de mourir, et n’en attendant rien ; songez qu’en parlant comme il le fait, il accuse son propre frère, que sans doute il s’attribue de louables intentions et même quelques bonnes actions, mais qu’il confesse être entré dans le complot, et que si l’exécution avait eu lieu, il y aurait pris part en combattant à côté de Beaufort. Le procès déféré au parlement n’ayant pas abouti faute de preuves. Campion n’imaginait pas que Mazarin eût jamais su « les circonstances du complot, ni ceux qui en savaient le fond et qui y étaient employés. » Il dit aussi « qu’à présent que le cardinal est mort, il n’y a plus à craindre de nuire à personne en disant les choses comme elles sont. » Il ne se défend donc pas, il se croit à l’abri de toute recherche, il écrit seulement pour soulager sa conscience. Et ce qu’il dit, c’est précisément, sans qu’il s’en doute, ce que Mazarin, de son côté, avait tiré de ses diverses informations.

N’en est-ce pas assez pour réduire à néant les doutes intéressés de La Rochefoucauld et les dénégations passionnées du très spirituel, mais très peu véridique cardinal de Retz, le plus ardent et le plus opiniâtre des ennemis de Mazarin ? Quant à nous, nous tenons comme un point absolument démontré qu’il y eut un projet arrêté de tuer Mazarin, que ce projet a été conçu par Mme de Chevreuse, en quelque sorte imposé par elle à Beaufort à l’aide de Mme de Montbazon, que pendant la dernière moitié du mois d’août, il y a eu diverses tentatives sérieuses d’exécution, particulièrement une dernière après l’exil de Mme de Montbazon, le dernier août ou plutôt le 1er septembre, et que cette tentative-là n’a manqué que par des circonstances tout à fait indépendantes de la volonté des conspirateurs.


V

Comment cette dernière tentative a-t-elle échoué ? Ici, sans nous arrêter à discuter les conjectures de Henri de Campion, bornons-nous à dire que Mazarin, qui était sur ses gardes, prévint le coup qui lui était destiné en n’allant pas chez la reine le soir où on devait le frapper, lorsqu’il reviendrait du Louvre. Le lendemain, la scène était changée. Le bruit s’était répandu que le premier ministre avait pensé être assassiné par le duc de Beaufort et ses amis, mais qu’il avait échappé, et que la fortune se déclarait en sa faveur. Un projet d’assassinat, surtout lorsqu’il est manqué, excite toujours une extrême indignation, et celui qui est sorti d’un grand danger et parait destiné a l’emporter trouve aisément des défenseurs. Une foule de gens, qui eussent peut-être appuyé Beaufort victorieux, vinrent offrir