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qu’on peut assurer, c’est qu’elle réunit toutes les conditions nécessaires pour avoir le sort de bien d’autres. Là n’est point la situation réelle de l’Espagne. Au fond, il y a trois élémens essentiels dans l’état public de la Péninsule tel que l’a fait la révolution accomplie l’an dernier, — la royauté, le ministère, où sont constamment restés les généraux Espartero et O’Donnell, et ce parlement où s’agitent tous les partis. Dans quels rapports vivent ces élémens ? La royauté ne s’est point relevée sans doute de la défaite que lui a infligée la révolution dernière, elle n’a point repris son véritable rang dans la vie politique de l’Espagne. On ne peut nier cependant qu’il n’y ait eu sous ce rapport un progrès réel depuis un an. Les sentimens monarchiques du pays se sont clairement manifestés. Si la reine Isabelle a eu à essuyer bien des ennuis et à compter avec bien des difficultés, elle a su heureusement les surmonter, en préservant l’Espagne de crises plus graves. C’est évidemment l’assemblée de Madrid qui a perdu le plus de crédit par son impuissance autant que par sa légèreté. Il y a bien dans ce congrès une majorité composée d’anciens conservateurs libéraux et d’anciens progressistes modérés, très différente du parti démocratique et même de ceux qui s’appellent les progressistes purs, et décidée à soutenir un régime sensé. Par malheur, cette majorité est loin d’être compacte, et le pays a fini par ajouter peu de foi à cette assemblée, qui n’a pas même brillé par le talent. Reste le ministère ; le cabinet de Madrid se ressent, cela est bien clair, de son origine révolutionnaire et de la diversité de ses élémens. Il a souvent sacrifié les principes les plus essentiels de gouvernement à l’intérêt de sa conservation. Sa politique pourtant semble prendre un caractère plus net et plus décidé. Le ministre des finances, M. Bruil, a envisage avec un certain sens pratique, la situation économique de l’Espagne, et il a eu le courage de proposer à l’assemblée, de se désavouer, en lui soumettant la question du rétablissement de l’impôt dit de consumos comme unique moyen d’offrir à l’état des ressources permanentes, qu’il ne trouve plus depuis un an que dans des emprunts onéreux. Dans ce cabinet du reste, le général O’Donnell a pris de plus en plus l’ascendant et la direction politique. Il a fallu certainement à O’Donnell une extrême habileté pour gagner la confiance du duc de la Victoire et gouverner à peu près sous son nom ; il y a réussi par ses déférences, par son activité dans la répression des mouvemens carlistes. Le résultat a été que ces deux généraux se sont mis complètement d’accord pour suivre une politique propre à garantir la monarchie en même temps que les institutions libérales ; mais plus l’accord d’Espartero et d’O’Donnell est devenu sensible, plus le ministre de la guerre a pris d’ascendant, et plus aussi le parti révolutionnaire s’est ému. Le parti démocratique de l’assemblée a commencé une campagne contre O’Donnell ; les progressistes purs se sont joints aux démocrates dans une certaine mesure pour amener nue rupture nouvelle entre le président du conseil et le ministre de la guerre. Telle est la lutte qui a pris récemment une singulière recrudescence à Madrid, — recrudescence qui s’est manifestée déjà par plusieurs incidens, et à laquelle n’a pas peu contribué l’arrivée de M. Olozaga, ministre de la reine Isabelle à Paris. Il y a eu en un mot à Madrid ce qu’on peut appeler la question Olozaga.

M. Olozaga est certainement un homme considérable tant par le rôle qu’il