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a joué en Espagne que par la situation que lui a faite le gouvernement. Il est arrive à Madrid avec l’ambition de devenir ministre des affaires étrangères et président du conseil. Quelques-uns de ses amis lui avaient représenté, dit-on, l’entreprise comme facile. Il n’a pas tardé à voir dès son arrivée qu’il ne lui serait point très aisé de renverser le duc de la Victoire, et alors il a cherché à provoquer la chute du cabinet, en séparant le président du conseil de ses collègues, pour entrer lui-même au pouvoir avec Espartero. Il s’est allié aux partis qui forment l’opposition dans les cortès. M. Olozaga a porté dans la commission de constitution et dans la commission des finances, dont il est membre, son humeur agressive contre le ministère ; mais il a été vigoureusement combattu par un des hommes politiques les plus éminens de l’Espagne, M. Rios Rosas, et il n’a réussi qu’à créer des difficultés. À demi battu dans les commissions, il a transporté la guerre dans le congrès même. Et à quelle occasion a-t-il pris cette altitude d’opposition ? Un député démocrate. M. Fïgueras, a proposé un amendement à l’article qui proclame l’admissibilité des Espagnols à tous les emplois. M. Figueras voulait qu’il fut dit que les titres de noblesse ne seraient plus nécessaires pour exercer les charges du palais. En elle-même, cette proposition était oiseuse ; mais elle contenait une pensée évidente d’hostilité contre la monarchie et contre la reine, et à ce titre elle répugnait à tous les hommes monarchiques de l’assemblée. M. Olozaga n’en a pas moins pris sous sa protection l’amendement de M. Figueras. Comment un représentant de la reine s’associait-il à une telle manifestation ? C’est, à ce qu’il paraît, ce que le ministre des affaires étrangères, le général Zabala, a fait observer à M. Olozaga, et celui-ci a donné sa démission, qui depuis a été retirée, il est vrai. Au fond, l’impatience de M. Olozaga a tourné contre son but ; elle n’a servi qu’à provoquer les démonstrations les plus monarchiques du duc de la Victoire aussi bien que du général O’Donnell, et à manifester l’accord complet et intime des deux généraux.

Une circonstance nouvelle est venue dessiner plus nettement encore la situation du gouvernement et des partis, lies désordres ont éclaté à Saragosse à l’occasion ou plutôt sous le prétexte de la cherté des subsistances, et ces désordres ont été d’autant plus graves que les autorités de la ville ont fait les plus singulières concessions à l’émeute. Les événemens de Saragosse ont donné lieu à une tentative nouvelle de l’opposition, qui cette fois est allée directement à son but, en mettant personnellement en cause le général O’Donnell. C’est l’un des chefs du parti démocratique, M. Orense, qui s’est chargé, de livrer cet assaut. M. Orense n’a point été heureux ; il n’a réussi qu’à se faire battre en deux fois, d’abord par un vote de confiance que l’assemblée a adopté en faveur du général O’Donnell, puis par le rejet d’un vote de censure, présenté deux jours après contre le ministre de la guerre ; 132 voix contre 8 ont repoussé la motion de censure. Plusieurs circonstances donnent à ce dernier vote une certaine signification. Le duc de la Victoire ne s’était pas d’abord rendu à la séance. O’Donnell le lui avait demandé par un motif de fierté, pour n’être couvert aux yeux de l’assemblée par aucune considération qui ne lui fût propre. L’absence du président du conseil ayant été mal interprétée ; Espartero se hâtait de se rendre à la chambre et votait publiquement en faveur d’O’Donnell, en disant que qui