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déclamations haineuses contre les institutions religieuses. Le clergé mexicain a sans doute besoin d’une réforme ; quelques-uns de ses chefs et le saint-siège avaient entrepris d’y travailler dans ces derniers temps. Accomplie régulièrement sous leurs auspices, cette réforme eût été salutaire, la religion et l’état y auraient également gagné ; mais opérée révolutionnairement, en haine des hommes et des choses, sans accord avec la cour de Rome, elle ne sera qu’une cause de perturbation de plus : elle affaiblira le prestige que le prêtre a encore conservé dans l’esprit des populations, et qui est après tout une des dernières garanties de l’ordre social ; elle soulèvera l’opposition des consciences, et pourra provoquer des résistances matérielles dont il y a déjà eu quelques avant-coureurs dans la ville de Guadalajara. Enfin, si l’on met en vente les biens du clergé au milieu de l’anarchie actuelle, dans l’état présent de la société mexicaine, le trésor de la république sera infailliblement frustré de la plus grande partie des ressources qu’il pourrait, à d’autres conditions, trouver dans une mesure de ce genre. Ce n’est pas tout. Les esprits sages ont déjà le pressentiment d’un autre danger : c’est que les grandes propriétés de l’église soient achetées par des spéculateurs américains. Eux seuls peuvent les payer, eux seuls les acquerront sans scrupule. Est-il besoin d’ajouter qu’il en résulterait pour eux comme une prise de possession d’une partie du sol, que cette colonisation, en apparence irréprochable, leur donnerait, avec des droits qu’on ne pourrait contester, mille prétextes de réclamations, mille occasions d’intervenir activement dans les affaires du pays ; qu’en cas de difficultés, et il y en aurait aussitôt, leur gouvernement prendrait fait et cause pour eux, et que l’histoire du Texas se renouvellerait dans toute l’étendue du Mexique ? Ainsi tout semble ramener ce malheureux pays au même dénoûment, à la perte de sa nationalité. Ses voisins le respectent si peu, que malgré les sympathies affichées dans les états du sud de l’Union pour le coryphée de la révolution de Nuevo-Léon, M. Vidaurri, des bandes armées de Texiens viennent de passer la frontière, sous prétexte de châtier les Indiens, se sont battues avec les troupes de ce même Vidaurri, ont brûlé un village en se retirant, et tiennent en alarme toute la frontière du Rio-Bravo. Le territoire mexicain était ainsi audacieusement violé pendant que le général Gadsden complimentait le nouveau président et que celui-ci faisait porter à Washington des plaintes inutiles, car le gouvernement du Texas encourage ces incursions, et si le commandant des troupes fédérales à la frontière reçoit l’ordre de s’y opposer, il est bien douteux qu’il en ait la force. La force ! tout est là ; c’est là toute la question entre le Mexique et les États-Unis. Peu importe qui domine à Mexico, des centralistes conservateurs avec Santa-Anna, ou des démocrates fédéraux avec le général Alvarez. Pour le parti annexioniste, les meilleurs seront ceux dont il aura meilleur marché. Aussi les Américains ont-ils toujours désiré que le fédéralisme prît le dessus. M. Vidaurri, qui trompe peut-être bien des calculs en résistant énergiquement aux flibustiers, n’en reste pas moins l’imperturbable champion du morcellement de la nationalité mexicaine en pratique et du maintien de l’unité nationale en théorie. Nous renonçons à décrire une pareille situation dans ses détails, à montrer dans les provinces autant de dictateurs que de grandes villes : — autour du