Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/165

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plume par M. Tosi, sont un ouvrage de patience, auquel nous ne pouvons demander la mesure de l’imagination dans le pays de l’auteur. À quoi sert une telle transcription? S’il s’agissait des Portes de Ghiberti, ce serait du moins une étude dont les fruits ne tarderaient pas à se révéler. M. Soulacroix, de Montpellier, qui figure parmi les peintres romains, a prouvé dans la Vierge, dans l’Ecce Homo, dans Saül et la Pythonisse, que s’il n’est pas très habile dans le maniement du pinceau, il a sur sa profession des notions plus hautes que les Romains de Rome; par malheur sa main n’obéit pas ta sa pensée.

Parmi les sculpteurs, je ne trouve qu’un nom italien, M. Benzoni. L’Amour maternel, la Bienfaisance, Saint Jean enfant, l’Espérance en Dieu, attestent chez lui une imagination gracieuse; mais il n’y a dans ces figures rien qui décèle une vocation bien décidée pour la statuaire. J’y cherche vainement cette pureté, cette beauté de forme, que semblaient devoir inspirer les musées du Vatican et du Capitole.

Quoique MM. Bienaimé, Bonnardel, Stattler, Gibson et Wolff résident à Rome, je ne saurais les comprendre dans l’école romaine. C’est à la France, à l’Angleterre, à l’Allemagne qu’ils appartiennent. M. Bonnardel obtenait, il y a quatre ans, le grand prix de sculpture à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris. M. Wolff, né à Berlin, est élève de Schadow. M. Gibson est élève de Canova; mais son nom révèle assez clairement son origine, et d’ailleurs il figure à Paris même dans l’école anglaise. Son Amazone blessée, qu’il a placée dans l’école romaine, ne vaut pas le Chasseur signé du même nom dont nous avons parlé. C’est une création qui manque d’énergie, et, pour en mesurer les défauts, il suffit de consulter les marbres de Phigalée placés au Musée Britannique. Il y a là des amazones blessées, vraiment blessées, qui ne ressemblent guère à l’Amazone de M. Gibson. M. Bonnardel a traité avec élégance, mais avec froideur, la figure de Ruth. M. Wolff a composé de bronze et de marbre une Canéphore qu’on ne peut considérer sans étonnement quand on se rappelle la frise du Parthénon. Les canéphores des Panathénées, souples et graves, sont de nature presque divine. La statue de M. Wolff n’exprime pas même la beauté qui charme les yeux sans parler à l’âme.

Et maintenant, après avoir rappelé les antécédens de l’Italie, comment parler de Florence et de Naples, de Venise et de Milan? J’ai dû parler de Rome sévèrement; je ne pouvais en parler avec indulgence sans trahir la vérité : pour changer de langage, il faudrait n’avoir pas devant mes jeux ce que je vois. Tous ceux qui aiment l’Italie, et le nombre en est grand, ne peuvent contempler sans tristesse les ouvrages envoyés par les villes que je viens de nommer. Il vaudrait mieux pour Florence ne pas figurer à l’exposition universelle que d’attester sa présence d’une façon aussi mesquine.