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LE


CONGRÈS DE STATISTIQUE


ET


LA STATISTIQUE AGRICOLE





La statistique est-elle une science? — Malgré les prétentions et la ferveur de quelques adeptes, il ne nous paraît pas qu’elle doive être ainsi qualifiée. La statistique recueille les faits, elle les enregistre et les classe; puis elle les traduit en chiffres qu’elle encadre dans des tableaux, et, sous cette forme plus commode, elle les livre aux études des savans. Voilà son rôle, rôle modeste en apparence, important toutefois et d’une utilité incontestable. Bien qu’elle ne tire rien de son propre fonds, la statistique féconde le domaine de toutes les sciences; elle éclaire et agrandit le champ des découvertes. — Pour accomplir cette mission, elle peut employer des méthodes plus ou moins sûres, des procédés plus ou moins ingénieux; mais ce n’est pas à elle qu’il appartient de rédiger les lois définitives qui doivent résulter de ses observations : elle laisse à d’autres le soin de tirer des faits qu’elle constate la déduction scientifique; elle ne saurait donc être rangée au nombre des sciences.

La statistique est-elle un art? — Sous cette dénomination, elle prêterait singulièrement le flanc à la critique. Que n’a-t-on pas dit de l’art de grouper les chiffres, et n’est-ce point à leur trop grande habileté dans cet art bien connu que beaucoup de statisticiens ont dû attribuer le discrédit qui frappe leurs travaux? Ces malheureux chiffres, qui semblent au premier abord si rigides, si intraitables, sont au contraire d’une docilité et d’une élasticité vraiment merveilleuses. Ils manœuvrent comme des soldats disciplinés; on les presse en colonnes formidables, on les détache en tirailleurs; on les allonge, on les resserre, suivant la nature du terrain et les besoins du combat. Oui, la statistique alors est un art, mais un art fantasque et perfide dont on a depuis longtemps appris à se défier.