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tantôt par des brutalités personnelles qui atteignaient les membres de la légation anglaise, ou par l’affectation à ne point saluer le pavillon français dans le port de Messine. La France et l’Angleterre ont dû demander compte de ces étranges procédés, et ici encore c’est le même système, propre à tout compliquer au lieu de tout aplanir. Le préfet de police de Naples, M. Orazio Mazza, le principal coupable de ces incartades contre la légation anglaise, a été ostensiblement, destitué ; mais il parait avoir conservé la direction effective de la police, et de plus le roi de Naples a en même temps éloigné du ministère île la guerre le prince Ischitella, l’ennemi personnel de M. Mazza, et qui professe d’ailleurs les plus sérieuses sympathies pour les puissances occidentales. Le gouvernement napolitain trouve le moyen de réunir à la fois la concession apparente et un nouveau témoignage de mauvais vouloir. Triste expression d’une politique qui est violente sans être conservatrice, et qui, au lieu de rester neutre, comme elle en a le droit, ne peut contenir les mouvemens d’une assez puérile hostilité ! La conséquence, c’est que la question demeure entière, et que les deux puissances occidentales ne se contenterons pas sans doute de l’apparence de satisfaction donnée par le cabinet des Deux-Siciles. Quant à la Grèce, la difficulté, on s’en souvient, est dans l’antipathie du roi Othon contre le ministre de la guerre, le général Kalergi. Il y a quelque temps déjà que la lutte existe entre le souverain et son ministre. En écrivant une lettre qui a pu froisser la reine, le général Kalergi a eu évidemment un tort ; mais ce tort n’a été en réalité qu’un prétexte dont les partisans de la Russie se sont servis pour évincer du pouvoir l’homme qui y avait pris place sous les auspices des puissances occidentales. Dans cette guerre assez bizarre qui se poursuit encore, la France et l’Angleterre n’ont point sans doute la pensée de contraindre le roi Othon à garder un ministre malgré lui ; mais elles paraissent avoir laissé entendre à la cour d’Athènes que la retraite du général Kalergi leur imposerait l’obligation de réclamer « d’autres garanties pour le maintien t’e la neutralité de la Grèce. Ainsi les petits incidens viennent se mêler à la grande lutte du moment, et achever le tableau de la situation générale de l’Europe.

La guerre cependant n’absorbe pas tellement toutes les pensées, qu’il n’y ait place dans plus d’un pays, en France particulièrement, pour une question tout intérieure qui touch à la vie même des populations : c’est la question des subsistances. L’insuffisance de la dernière récolte est venue réveiller le problème dans toute sa gravité. Il est avéré aujourd’hui que dans la production de la France il y a un déficit de sept millions d’hectolitres de blé environ, eu égard à ce qui est nécessaire à l’alimentation publique. La conséquence de ce déficit, c’est l’élévation progressive du prix des grains. Comment pourvoir à cette insuffisance ? C’était l’objet d’une note récente du gouvernement, qui arrivait à cette conclusion, que le seul remède était, d’une part, de favoriser l’arrivée de blés étrangers en maintenant une liberté complète des transactions, et de l’autre de multiplier les travaux d’utilité publique, pour venir en aide aux populations laborieuses. Le gouvernement, en effet, a maintenu l’exemption de tout droit d’importation sur les denrées alimentaires, et il a rendu un décret qui ouvre un crédit de dix millions affecté travaux d’utilité communale et aux distributions de se-