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LA


RÉFORME ADMINISTRATIVE


EN ANGLETERRE





I.

Dans le courant de l’été de 1854, une des plus nombreuses et des plus belles armées que l’Angleterre ait mises sur pied est partie pour l’Orient au bruit des acclamations populaires. Devant l’ennemi, elle a fait tout ce qu’on attendait d’elle : elle a été brave et heureuse les armes à la main; mais, engagée dans une expédition lointaine et d’un genre nouveau, elle a rencontré des obstacles que le public n’avait pas prévus. Après six mois d’efforts, les résultats semblaient douteux encore, malgré des pertes cruelles. La nouveauté du climat, la rigueur des saisons, l’excès du travail, le défaut de préparatifs, l’insuffisance de l’armement et de l’approvisionnement, l’absence ou la confusion des moyens de transport, d’abri, de bien-être, de guérison, avaient donné aux souffrances inséparables de la guerre une intensité funeste. Au mois de décembre dernier, l’armée anglaise semblait épuisée; on la disait anéantie, et beaucoup ajoutaient que c’en était fait de la puissance militaire de la Grande-Bretagne.

Chose étrange, à Londres même on tenait ce langage ! Qu’en Europe la nouvelle d’une atteinte éprouvée par l’armée et la puissance anglaise fût accueillie avec empressement, exagérée avec complaisance, rien de plus simple. L’Angleterre ne manque pas d’ennemis par le monde, elle est si libre, elle a été si heureuse; elle a traversé