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Un fil logique assez visible lie ces cinq questions, et elles ont été toutes abordées à propos de l’état hygiénique de l’armée anglaise devant Sébastopol. Par les argumens employés, par les motifs invoqués, ce qu’on a appelé la réforme administrative a semblé par momens embrasser toutes ces questions à la fois. Les promoteurs de cette réforme ont fait de leur mieux pour la grandir en importance, ses adversaires pour en exagérer les dangers. Et les timides et les sceptiques, et tous ceux qui voient chaque nuit apparaître le spectre de la démocratie, tous ceux qui ont intérêt à le faire jouer par manière de fantasmagorie pour enrayer les gens, ont eu prétexte à dire : « Il s’agit d’une révolution. »

À mon avis, il n’en est rien. Je reconnais qu’on agite en Angleterre, encore qu’avec peu de suite et de vivacité, quelques questions qu’on ferait mieux de regarder comme définitivement résolues par une expérience près de deux fois séculaire. J’avoue encore que l’émotion très vive et très naturelle ressentie par la nation à la nouvelle du dépérissement de son armée a dans le premier moment fait accueillir toutes les sortes d’hypothèses et d’expédiens ; une extrême inquiétude accepte tous les conseils et choisit mal entre les remèdes. Cependant l’Angleterre ferait preuve d’une faiblesse d’esprit dont on ne l’a pas jusqu’aujourd’hui soupçonnée si elle se croyait plus malade qu’elle n’est réellement, parce que certains empiriques le lui disent, et si elle en venait aux moyens désespérés, parce que son état inspire une suspecte inquiétude à tous ceux qui lui en veulent. Quant à nous, nous ne craignons point qu’elle se laisse prendre à ce piège.

Notre intention est de retracer dans ses principaux détails la controverse politique qui a occupé l’Angleterre pendant les six premiers mois de cette année. Nous ne raconterons pas tous les faits : nous n’écrivons pas l’histoire des événemens, mais l’histoire des questions, et nous ne citerons les actes des chambres, de la presse et de l’opinion qu’autant qu’ils servent à mettre les questions dans leur jour ; mais nous parlerons de tout avec bienveillance et avec liberté.


II.

Il y eut une courte session en décembre 1854. Alors, pour la première fois, la tribune parla des souffrances de l’armée. M. Layard, que nous rencontrerons souvent dans toute cette affaire, dit deux choses qu’il faut noter, parce qu’elles sont devenues les lieux communs du débat : « Il nous faut des hommes plus jeunes et plus faits pour l’action (plus tard il se réduisit à dire : Il faut un homme). — Si une entreprise particulière devait être conduite comme les ministres