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de se marier, et d’ailleurs, chez nos voisins, le mariage est fort protégé; il s’ensuit que les femmes de soldats, menant une vie analogue à celle des femmes de nos gendarmes, se chargent d’une foule de soins dont les hommes s’acquittent chez nous : la tenue du fourniment, la réparation de certains effets, la cuisine enfin, la cuisine, cette grande affaire de nos escouades en pantalons garance, sont des choses plus ou moins inconnues des privates en habit rouge, et l’on ne saurait croire combien ces circonstances de ménage, pour ainsi parler, ont de conséquence dans un camp retranché en pays ennemi. Autre point plus important et d’un ordre plus élevé : c’est le recrutement forcé qui rend tout à la fois juste et possible d’ouvrir aux soldats les rangs des officiers. Par l’autre mode, les corps sont trop exclusivement composés d’hommes grossièrement élevés, les candidats manqueraient pour les grades, et cet avancement ne leur est pas strictement dû comme dans notre système. Ce n’est que par exception et en temps de guerre qu’une aptitude spéciale peut se déclarer; mais quand elle se déclare, je me hâte de le dire, il faut qu’on la puisse accueillir et récompenser. Toute interdiction de prendre les officiers commissionnés parmi les officiers qui ne le sont pas (sous-officiers) doit donc être levée, qu’elle se fonde sur un usage établi ou sur une règle écrite. Les vertus guerrières ont droit à ce prix. On ne fait à cela qu’une objection, c’est qu’il importe de conserver aux officiers le caractère de gentlemen, c’est-à-dire une certaine distinction de sentimens et de manières qui tient aux habitudes sociales et à l’éducation. Que ces qualités existent aujourd’hui dans l’armée anglaise, rien de plus assuré; mais l’avantage n’en est-il pas atténué par un certain défaut d’esprit militaire ? Les officiers anglais ont quelque chose de chevaleresque, mais on dit qu’ils ne sont pas assez troupiers; ces mots s’entendent chez nous. La promotion des sous-officiers, dans la mesure très restreinte où elle serait possible, contribuerait à changer cela, et donnerait immédiatement à l’armée plus d’ensemble et d’unité; on verrait plus de soldats capables de s’élever au-dessus de l’automatisme qui suffit à la vie de caserne, plus d’officiers portés à s’identifier avec les corps qu’ils commandent. Le point d’honneur militaire, excité et entretenu par l’esprit de corps, remplace ou supplée tout ce qu’on attend des habitudes du gentleman. Au moyen âge, la noblesse faisait la guerre; au nôtre, la guerre fait la noblesse.

Les officiers anglais achètent leurs grades; tous ne sortent pas des écoles spéciales; celles-ci sont faibles, les examens d’aptitude illusoires. I i) jeune homme assez riche pour payer 1,190 livres sterling dans la cavalerie ou 450 dans l’infanterie, obtient aisément le grade d’enseigne, surtout s’il est recommandé. Sans doute les emplois