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je puis être utile à quelqu’un de la majorité : mon fils devient commis avec 90 livres de traitement, et dans vingt ans il en aura, s’il vit, 250. Quelle entreprise commerciale, quel soumissionnaire de chemin de fer consentirait à subir les liens d’un pareil système ? Mais à qui le reprocher ? À John Bull, qui l’a toléré. Si l’on y eût touché naguère, quels cris ! Et cependant voulez-vous mettre un terme à la proscription du mérite ? rendez le ministère plus libre ; qu’il soit maître de ses choix. Les hommes capables existent, ils abondent ; on les trouverait dans le pays, mais non dans le service public ; dans l’armée, mais non parmi les colonels. Il ne s’agit point d’exclure l’aristocratie, mais de prendre les habiles dans l’aristocratie. On ne sera point forcé de repousser ses amis, mais de choisir des amis qui aient fait leurs preuves. Que le ministère puisse appeler à son aide quiconque l’aidera le mieux, dans le parlement, hors du parlement. Si dans la chambre la réforme a restreint le cercle des hommes jeunes et capables, qu’une réforme nouvelle l’élargisse ; qu’elle crée vingt nouveaux sièges à la disposition de la couronne ; ce sont vingt membres qui ne voteront pas si l’on veut, mais ils parleront et feront les affaires. Point d’erreur chinoise ; point de places données comme des places académiques. Que les chefs de chaque service examinent leurs candidats, et que le ministre responsable nomme librement. S’il s’est trompé, qu’il le reconnaisse, et qu’une révocation répare son erreur. Lord Palmerston ne doit point s’arrêter à moitié chemin. Que lui servirait d’aliéner l’aristocratie sans contenter l’Angleterre ? Qu’il aille jusqu’au bout, ou bientôt il faudra quelque chose de plus qu’un changement de ministère.

Lord Palmerston n’accomplit pas tout à fait ce programme. Son ministère passa par deux ou trois remaniemens. Rien de frappant ne vint saisir les imaginations, et dans un second écrit : le Moyen d’en sortir (the Way Out), M. Greg demanda comment il se faisait que l’Angleterre, habituée à tout surmonter, ne se sentît faible que dans son administration. Il était de ceux qui ne portent envie ni aux facilités du despotisme, ni à la vigueur de la démocratie. Le gouvernement anglais les surpassait tous deux en ressources. Le pays était plus fort que du temps de Pitt. Ni l’ardeur nationale, ni les moyens financiers ne faisaient défaut. Que manquait-il donc ? Un gouvernement qui eût le courage de secouer ses chaînes, de braver les intrigans, les factions, les grandes familles, qui songeât à faire, non à vivre. Lord Palmerston et lord Panmure n’ont parlé que pour rassurer et se défendre. Il fallait proclamer les fautes et les désastres, instituer et non concéder le comité Roebuck, exiger confiance absolue ou dissoudre. Un temps peut venir où la dissolution ne suffirait plus. Ce langage était véhément. Ces deux écrits, pleins de verve, ont