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dans cette voie ; les primes ont été successivement réduites, l’intention avouée est de les abolir. Toutefois l’état a cru devoir jusqu’ici borner son initiative à ces premières mesures ; il a laissé aux conseils provinciaux le soin de modifier sur quelques points l’ancienne juridiction, se réservant de présenter plus tard une loi qui mette les intérêts de la pêche nationale en harmonie avec le principe de liberté. Il est à désirer que cette loi vienne. Les industries longtemps protégées souffrent plus de l’incertitude que d’une décision énergique, mais brève, qui les fasse rentrer promptement dans le droit commun.

Si maintenant nous voulons nous faire une idée plus nette de la fâcheuse influence du système des primes sur la pêche nationale, retournons à Vlaardingen. Qu’y voyons-nous ? — Une sorte de tristesse et de solitude règne sur le port. Il y a dix ans, on comptait à Vlaardingen près de 80 bâtimens pêcheurs ; il n’y en a plus aujourd’hui qu’une cinquantaine. Ces doggers ont pour la plupart un âge respectable, et à mesure qu’ils vieillissent, ou qu’ils tombent en ruines, ils laissent dans le mouvement de la navigation une place vide qu’on ne se soucie plus guère de combler. Les vaisseaux diminuent ; les hommes manquent. Les pêcheurs de Vlaardingen, surtout quand la pêche d’hiver a été mauvaise, trouvent plus avantageux de s’engager comme matelots sur les navires marchands. On les remplace alors par des étrangers, le plus souvent par des Prussiens. Ces signes de décadence, ou mieux de renouvellement (car la pêche hollandaise est dans une période de transition), ne doivent point détourner notre intérêt du personnel et du mécanisme, très simple d’ailleurs, qui ont longtemps maintenu cette pêche à un si haut degré de puissance économique. Quelques mots suffiront pour écrire l’histoire des buizen depuis leur sortie du chantier jusqu’au moment où, ornés de leurs cordages, et de leurs voiles, pourvus de leurs hommes, armés de leurs instrumens de pêche, ils s’avancent vers la Mer du Nord.

Jusqu’ici, ces bâtimens se construisaient à Vlaardingen. Le prix d’un dogger, avec les agrès, les filets et tout le matériel de pêche, était de 20,000 florins. L’armateur dont ce bateau est la propriété s’entend avec un maître qui se charge de choisir son monde. L’équipage de chaque bâtiment-pêcheur se compose en été de 15 personnes : 11 hommes et 4 garçons. L’armateur n’a affaire qu’au maître : il lui donne 5 pour 100 du produit. Dans l’été, les hommes reçoivent des gages fixes, 5 florins 3/4 par semaine ; ils font deux voyages pour la pêche du hareng. Leur nourriture habituelle est le gruau ; leur boisson est le café et le genièvre. La plupart d’entre eux ont pratiqué la mer depuis l’âge le plus tendre. Nous avons vu sur ces doggers des enfans de dix à douze ans, que les familles