Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/34

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Sidi-Ali, que la loi de succession rendait son légitime héritier. Le consul d’Angleterre revint à son poste, comme si le changement de règne devait suspendre l’effet des menaces faites à l’ancien pacha. Seulement, au lieu d’habiter la ville même, il s’établit à sa maison de campagne dans la Méchiah, au milieu même des insurgés. Ceux-ci en conclurent que leur cause serait soutenue par le gouvernement britannique, ce qui augmenta leur audace et neutralisa les efforts que fit le consul-général de France pour amener une transaction entre les deux partis.

Le consul de France comprenait fort bien que cette guerre intestine, nuisible en elle-même au commerce européen, pourrait avoir pour résultat d’amener les Ottomans à Tripoli, ce qui, sous plusieurs points de vue, serait contraire à nos intérêts politiques. Le gouvernement anglais de son côté devait craindre un pareil dénoûment. C’est de Tripoli qu’il tire la plus grande partie des approvisionnemens de la garnison de Malte. Il était donc désirable pour l’Angleterre d’avoir presque sous le canon de cette île un petit prince qu’elle pouvait faire trembler à sa volonté, plutôt qu’une province d’un grand empire avec lequel il faut toujours bien un peu compter, quelque peu de consistance qu’on lui accorde. D’après ces considérations, le gouvernement anglais se détermina à prescrire à son représentant à Tripoli d’agir d’accord avec le nôtre pour mettre fin aux troubles. Par malheur, cet agent, qui penchait en réalité pour les insurgés, ne prêta pas à notre consul un concours assez efficace, et les quelques démarches qu’il fit dans le sens des instructions qui lui furent envoyées ne détruisirent point l’effet produit par sa présence dans la Méchiah. Les insurgés continuèrent à croire que, les vœux des Anglais étant pour eux, ils finiraient par triompher, et par conséquent ils ne se prêtèrent à aucun accommodement. Il y eut plus: Mohammed-Bit-el-Mal, le ministre le plus influent de l’ancien pacha, qui s’était retiré à Malte, où il attendait prudemment les événemens, partagea si bien cette opinion, qu’il ne craignit pas d’offrir ses services aux insurgés. Ceux-ci les acceptèrent et le chargèrent de leur procurer trois petits navires de guerre et les moyens de bombarder Tripoli. Au bout de quelques mois, vers la fin de 1833, Mohammed-Bit-el-Mal leur envoya pour leur argent un petit brick, un schooner et un chebek. Cet armement était commandé par un capitaine au cabotage corse appelé Mattei, homme peu cultivé, mais intelligent et très énergique. Mattei s’était présenté audacieusement devant Tripoli pour en bloquer le port, quand un coup de vent le força presque aussitôt de s’éloigner. Le chebek ne tarda pas à reparaître toutefois : il débarqua à la Méchiah un mortier, quelques centaines de bombes, et El-Hadj-Mohammed-Bit-el-Mal, appelé à. devenir ministre du chef