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Autrefois on sacrifiait le gluten pour isoler et recueillir l’amidon; maintenant on extrait l’amidon en plus grande quantité, tout en recueillant le gluten, et celui-ci, doué de propriétés éminemment nutritives, s’introduit sous plusieurs formes dans le régime alimentaire des hommes. On le voit tantôt en granules, sous le nom de gluten granulé, constituer des potages comparables aux meilleures pâtes d’Auvergne, de Lyon ou d’Italie, — tantôt, à l’état frais, s’ajouter aux farines dans la confection de pains qu’il rend plus nourrissans. Sous le nom de pain de gluten, on prépare, en ajoutant à 100 parties de farine 100 de ce gluten que l’on vient d’extraire, un pain très léger, très facile à conserver et à consommer, quand on le réduit en tranches sèches et friables.

D’après les indications de M. Bouchardat, on confectionne un pain encore plus salutaire en soumettant le gluten humide à une chaleur de 60 à 100 degrés. Ce pain est en usage depuis plusieurs années pour combattre une affection dite le diabète sucré, qui s’aggraverait sous l’influence d’une alimentation dont le pain ordinaire ou d’autres substances farineuses feraient partie. Le pain de gluten au contraire, exempt autant que possible d’amidon, entre avec un grand avantage dans le régime alimentaire des diabétiques, améliore leur état, et laisse aux praticiens habiles le temps d’enrayer ou de guérir cette maladie, si redoutable dans d’autres conditions. C’est ainsi qu’une simple invention, d’une application facile, est venue rendre à l’alimentation une substance éminemment nutritive, naguère perdue, tout en prêtant un puissant secours à la médecine humaine.

On vient de voir ce que peut produire l’intervention de la science dans les questions si variées qui se rattachent à la culture des céréales et à la fabrication du pain. Un accroissement notable dans nos récoltes en céréales et en autres plantes alimentaires nous est promis par le développement des récoltes sarclées et des prairies artificielles, ainsi que par l’extension de la pratique du drainage dans nos contrées à sous-sol trop humide. De nouveaux moyens de conservation des grains nous offrent de puissantes garanties contre la disette. D’ingénieux systèmes de mouture et de panification sont appliqués ou se propagent en France comme en Angleterre. Introduits en Algérie, ils secondent énergiquement les progrès de la colonisation. L’année 1855 elle-même, malgré le léger déficit que fait craindre l’état des récoltes, mettra en pleine lumière, nous l’espérons, la nécessité d’une application plus étendue encore de la science à la culture et à la préparation du fruit des céréales, considéré comme base de l’alimentation publique.


PAYEN, de l’Institut.