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menses spéculations sonl engagées pour importer en France et en Angleterre les blés et les farines d’Amérique. Un pays plus voisin, L’Espagne, a également obtenu une abondante récolte, dont les produits, expédiés en grande partie par le port de Santander, contribuent à alimenter quelques-uns de nos marchés du midi. La France recevra ainsi du dehors le complément nécessaire à sa consommation, lors même qu’elle aurait à importer plus de 7 millions d’hectolitres. Bien que toute inquiétude sur l’approvisionnement ait aujourd’hui disparu, on ne saurait cependant espérer une baisse sensible dans les prix ; en effet, le cours des blés d’Amérique se réglera, non plus seulement d’après l’activité de la demande, mais aussi d’après le chiffre considérable des dépenses qu’entraîne un long transport à travers l’Atlantique, De plus, si la denrée est abondante de l’autre côté de l’Océan, les navires sont rares, et l’insuffisance des moyens de transport maintient le fret à un taux très élevé. Il est donc naturel qu’après avoir proclamé en matière de céréales le salutaire principe de la liberté du commerce, le gouvernement fasse appel au dévouement des administrations municipales et à la sollicitude de la charité privée pour alléger autant que possible, par des combinaisons ingénieuses, le fardeau qui pèse sur les classes populaires. On a vu que, dans le cours de la dernière session législative, de nombreux emprunts ont été autorisés à la charge des départemens et des communes pour l’exécution de grands travaux d’utilité publique, répartis sur toute l’étendue du territoire. Quelques voix se sont élevées contre ce développement donné à l’emprunt, qui, on peut le dire, est entré bien profondément dans nos institutions et bien facilement dans nos mœurs ; mais après tout, en temps de crise, il faut pourvoir aux besoins les plus urgens. Il faut multiplier les élémens de travail, maintenir le taux des salaires, et dans cette vue les emprunts qui ont été votés trop libéralement peut-être, alors que l’on ne connaissait point les résultats de la récolte, procureront aux communes des ressources indispensables, qui s’ajouteront aux crédits extraordinaires ouverts sur le budget de l’état. C’est ainsi que les événemens se sont tristement chargés de justifier tant d’emprunts qui, dès le principe, avaient provoqué de légitimes objections. De même que le blé, la viande de boucherie a atteint, surtout dans les grandes villes, des cours très élevés. La hausse s’expliquait d’abord par la cherté des céréales, qui amène d’ordinaire l’enchérissement de toutes les denrées, puis par l’essor qu’a pris depuis 1848 la consommation de la viande. Elle paraissait cependant dépasser les justes limites, et on avait remarqué, par exemple, que la moindre hausse survenue dans le prix du bétail au marché de Poissy était suivie d’une hausse correspondante dans le prix de la viande à Paris, tandis que le même contre-coup ne se produisait jamais lors des mouvemens de baisse. De là des plaintes nombreuses auxquelles il a été donné satisfaction par une ordonnance de police (1er octobre) qui introduit le principe de la taxe dans le commerce de la boucherie. Cette ordonnance entre en vigueur à partir du 10 octobre : les bases de la taxe seront arrêtées à chaque quinzaine, et l’autorité administrative parait disposée à prendre les mesures les plus énergiques pour assurer l’application du nouveau système.

Le seul incident qu’il y ait à signaler, en dehors de ces préoccupations