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économiques, dans notre histoire intérieure, autrefois si animée, aujourd’hui si calme, c’est la note publiée, il y a quelques jours, par le Moniteur, à propos des difficultés survenues avec Naples, et dont le sens était assez clair. Le gouvernement y désavouait, à propos d’une lettre empruntée à un journal anglais et très hostile au roi des Deux-Siciles, toute intention de donner à ses trop légitimes griefs contre le cabinet napolitain une portée qui en dénaturerait le caractère, et laisserait supposer des arrière-pensées tout à fait étrangères à la question du moment. La note du Moniteur a fait croire que toutes les difficultés étaient aplanies, que l’orage qui avait, menacé Naples était conjuré, que les sages Conseils de l’Autriche avaient prévalu auprès du roi sur des craintes aveugles et sur d’inexplicables complaisances pour Saint-Pétersbourg. On saura bientôt à quoi s’en tenir sur incident, qui pourrait devenir grave si la satisfaction très incomplète accordée aux justes plaintes des deux puissances offensées n’était pas suivie d’un changement sérieux dans les tendances politiques de l’administration napolitaine. Si l’on s’imaginait follement à Naples que, pour s’être interdit l’usage de certaines armes, la France et l’Angleterre ne recourront pas à d’autres moyens de se faire respecter, ce serait une illusion qu’il y aurait danger, nous assure-t-on, à caresser plus longtemps.

Ce sont les petits états surtout qui ont besoin de sagesse et de tact politique pour traverser les temps d’épreuve. Le Danemark, lui, vient de sortir d’une crise difficile. Une constitution commune au royaume et aux duchés a été votée par les chambres et sanctionnée par le roi. Toutes les passions, tous les intérêts qui depuis nombre d’années divisent ce pays, s’étaient donné rendez-vous sur ce terrain, et il a fallu au roi une persévérance peu commune, l’énergique résolution d’en finir pour triompher de toutes les oppositions réunies. La constitution nouvelle fait une très grande part aux intérêts conservateurs. Néanmoins la sanction donnée par le roi à cette constitution a soulevé un incident qui tendrait à faire croire qu’elle ne répond pas encore suffisamment aux prétentions de la féodalité danoise. Le prince héréditaire, oncle du roi, a refusé d’y donner sa signature, et il y a tout lieu de penser qu’il n’a pris cette détermination que d’après les conseils des princes, car, on le sait, il y a à la cour de Danemark un parti du roi et un parti des princes. Le roi est un souverain avant tout loyal dans ses sentimens et d’un rare patriotisme. La crise européenne a servi également à montrer les bonnes dispositions dont il est personnellement animé envers les puissances occidentales. Les sympathies qu’il leur a témoignées ont vivement irrité cette portion de sa famille que les sentimens et les liens du sang rattachent plus ou moins à la Russie. Le prince de Gluksbourg, auquel doit passer la couronne en cas d’extinction de la descendance mâle de la dynastie actuelle, ne se distingue en rien, sous ce rapport, du prince de Hesse, gendre de l’empereur Nicolas, et auquel le trône paraissait devoir revenir en vertu de la succession féminine. Nulle part, même dans le parti féodal prussien, le fétichisme pour la Russie n’est poussé à un pareil degré d’affectation. Le prince héréditaire s’est laissé endoctriner par ces admirateurs passionnés de la Russie, et l’on n’attribue point à d’autre cause son refus de sanctionner une constitution, pourtant