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si favorable au principe d’ordre et de conservation. Le roi a pris en cette circonstance une détermination qui a été vivement applaudie en Danemark. Il a privé le prince Ferdinand du commandement dont il était investi, et a infligé ainsi à sa conduite une marque publique de désapprobation. On ne peut que louer la résolution du roi, mais nous sommes frappés en même temps de voir quelles racines l’influence russe a jetées partout autour des trônes ; en songeant que tant d’efforts faits par notre diplomatie et par nos armes n’ont pu parvenir encore à détruire cette influence sur le continent, on se demande ce que serait devenue l’Europe, si une énergique résistance n’avait été opposée aux dernières prétentions affichées par la Russie, et si l’on n’avait reporté sur son territoire la terreur qu’elle croyait pouvoir inspirer.

Voyais plutôt la Grèce ! Que n’ont pas fait les puissances occidentales pour la soustraire à l’action de la diplomatie russe ! L’empereur Nicolas lui-même a dévoilé le secret de sa politique à l’égard du royaume de Grèce en déclarant qu’il s’opposerait à tout ce qui serait propre à en faire un état sérieux. Néanmoins la cour d’Athènes demeure attachée avec opiniâtreté à cette politique qui veut sa perte. En occupant le Pirée, la France et l’Angleterre avaient indiqué au roi Othon les hommes qui leur paraissaient le plus aptes à rétablir l’ordre au dedans et les relations régulières avec l’empire ottoman. On sait la sourde hostilité que ce ministère a rencontrée depuis son avènement au pouvoir, malgré les services incontestables qu’il a rendus au pays. Dans l’état où la participation de la plupart des chefs de l’armée hellénique à l’insurrection de l’Épire avait placé le royaume, la tâche la plus difficile et la plus importante était incontestablement celle du ministre de la guerre. Une complète anarchie régnait parmi les troupes. Les aides de camp du roi avaient ostensiblement donné leur démission pour se rendre en Épire et en Thessalie, afin t’insurger les populations. L’insurrection avait promptement tourné au pillage, et la contagion de l’exemple n’avait été que plus puissante sur les soldats. De là des désertions que le gouvernement s’était mis dans l’impossibilité d’empêcher, et une désorganisation complète de l’armée hellénique. Bientôt tous ces prétendus libérateurs de l’Épire et de la Thessalie, chargés des dépouilles de ceux qu’ils avaient annoncé l’intention de délivrer, durent rentrer sur le territoire hellénique devant les troupes ottomanes, et dès lors ces officiers supérieurs qui avaient déposé leur commandement, ces soldats qui avaient déserté leur drapeau avec l’assentiment de la cour, inondèrent la Grèce d’une foule de brigands en disponibilité. Il avait fallu mettre fin au brigandage et réorganiser l’armée. Un homme résolu, le général Kalergi, s’en était chargé ; c’était un premier tort aux yeux de la cour : il réussit, ce fut un tort plus grave encore, et le roi a su habilement profiter d’une parole imprudente du général pour l’éloigner du pouvoir. La retraite du général Kalergi a entraîné' celle du cabinet tout entier.

Cette crise, qui dure depuis deux mois environ, parait avoir ému la Bavière ; mais est-il vrai, comme on l’a prétendu, que la Bavière, la Prusse et l’Autriche aient cru pouvoir offrir aux puissances occidentales leur médiation pour arranger le différend survenu entre le roi Othon et le général Kalergi ?