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se maintenait dans L’indépendance à Acapulco, bravant Santa-Anna dans des lettres curieuses qu’on publie actuellement à Mexico ; Comonfort, directeur ostensible du mouvement, qui a le plus contribué à la chute de Santa-Anna ; Vidaurri, homme considérable dans le nord-est du Mexique, qui depuis plus de trente ans est secrétaire de l’état de Nuevo-Léon ; des personnages plus obscurs, comme Santos Begolsardo, Plutarco Gonzalès, La Llave, unis qui n’en auront pas moins leurs prétentions. Nous serions, il faut l’avouer, bien embarrassés de dire quelle peut être la valeur de tous ces hommes ; mais il y a dans la révolution un nom qui nous est plus familier, celui de M. Haro y Tamariz, le premier ministre des finances dans le cabinet conservateur formé à son retour par Santa-Anna, et dont M. Alaman était l’âme. M. Haro passait alors pour un administrateur habile et intègre. Il avait résigné son portefeuille, disait-on, pour ne pas sanctionner des combinaisons financières ruineuses qui sacrifiaient la fortune de l’état aux agioteurs, et il avait laissé un million de piastres dans la caisse du trésor. Sa rupture avec Santa-Anna était de mauvais augure. Homme modeste et d’une prodigieuse activité, il avait aussitôt organisé contre lui une opposition des plus redoutables, et il avait su se dérober à toutes les poursuites. Il a donc aussi sa part, et c’est peut-être la plus grande, dans le travail qui a miné le terrain sous le gouvernement déchu, et il se proclame audacieusement « le premier chef du mouvement politique et régénéra leur de la république. » Aussi assure-t-on que tous les autres sont profondément blessés de cette ambitieuse prétention, et pour le perdre, on lui conteste, en rappelant son passé conservateur, le titre de chef de la révolution. Les démocrates purs l’accusent au contraire d’avoir levé à San-Luis de Potosi l’étendard de la contre-révolution, parce que son programme ou son plan, selon l’expression mexicaine, contient une promesse de protection à la propriété, au clergé, à l’armée et à toutes les classes de la nation. Ceux des autres chefs ne sont pas entachés d’une pareille faiblesse. Le plan de M. Haro semble aussi : le maintien du système centraliste, tandis que le rétablissement de la fédération, c’est-à-dire de l’indépendance presque absolue des états, est généralement au Mexique le mot d’ordre des vrais révolutionnaires. On prête sous ce rapport à Vidaurri les idées les plus avancées, car il ne viserait à rien moins qu’à former des trois états du nord-est une nouvelle république, étroitement alliée aux États-Unis, dont les institutions politiques et religieuses auraient toutes ses sympathies. On voit que la crise actuelle est d’une violence extrême, et qu’il y a pour ainsi dire plusieurs révolutions en présence. La pensée qu’a eue le général Carrera d’inviter les chefs à une conférence où ils chercheraient à s’entendre est donc très sage ; mais s’y rendront-ils, et s’ils s’y rendent, se mettront-ils d’accord ? Cet dont il est permis de douter, et on peut craindre que la guerre civile ne joigne bientôt ses horreurs à celles de l’anarchie, car le langage des organes des différentes factions est intolérant, leur esprit est exclusif, et il n’y a pas d’appel à la concorde, à la fusion des partis et des intérêts, à la conciliation des prétentions et des systèmes. Une réaction aveugle, des phrases sonores, des déclamations contre le tyran, voilà ce qui remplit les manifestes et les journaux. Ce sont les saturnales de la licence, et ce serait la fin de la natio-