Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/50

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

français établi dans le pays, qui le divulgua le premier, et ce fut d’après ses indications qu’une compagnie d’exploitation se forma à Marseille. Les agens de cette compagnie, s’étant transportés sur les lieux, où dominait alors Abd-el-Djelil, passèrent avec ce chef arabe un traité par lequel celui-ci fit cession des mines de soufre à la compagnie marseillaise. Malheureusement, lorsque cette compagnie fui en mesure de commencer l’exploitation, Abd-el-Djelil avait disparu de la scène, et les Turcs, maîtres du pays, refusèrent de reconnaître le traité. L’affaire en resta là jusqu’en 1846 ; le gouvernement napolitain ayant abandonné son projet de monopolisation des soufres de Sicile, elle ne paraissait plus promettre assez d’avantages pour qu’on prît la peine de lutter contre les difficultés qui se présentaient du côté des Turcs. En 1846 toutefois, la compagnie marseillaise s’étant fondue avec une autre, qui prit le titre de compagnie anglo-française pour l’exploitation des mines de soufre d’Afrique, cette nouvelle société fit si bien et fut si efficacement soutenue, que la Porte, qui s’obstina à ne pas vouloir permettre l’exploitation, dut, par une transaction librement discutée et acceptée, désintéresser la société par une indemnité de 350,000 francs, qui fut payée moitié à Constantinople et moitié à Tripoli. Depuis lors, il n’a plus été question des mines de la Syrte, qui sont restées inexploitées; mais dans le vaste empire ottoman on trouve bien d’autres sources de richesses dont les Turcs ne savent tirer aucun parti.

Il est à remarquer que dans les provinces barbaresques les importations dépassent toujours de beaucoup les exportations, ce qui tient à l’extrême imperfection de leur industrie. On demandera avec quoi elles comblent le déficit, car enfin on ne peut admettre qu’un pays achète sans cesse plus qu’il ne vend. Il faut que d’une manière ou d’une autre les choses s’équilibrent. Après avoir longtemps et sérieusement étudié cette question, il est deux points que j’ai pu établir. D’abord, le commerce par terre dans le nord de l’Afrique échappant en très grande partie aux investigations statistiques, les élémens avec lesquels on établit les états commerciaux comparatifs ne concernent que le commerce maritime, et par conséquent il nous manque certaines données qui, si nous les avions, rapprocheraient de quelque chose le chiffre des exportations de celui des importations; puis les déprédations de l’ancienne piraterie barbaresque avaient accumulé dans cette contrée de grandes richesses mobilières qui s’en échappent graduellement depuis une trentaine d’années pour payer une partie notable de ses besoins. Je n’ai jamais pu avoir de chiffres bien précis sur ce qui sort annuellement de Tunis et de Tripoli en bijoux et en pierreries; mais certainement la somme est considérable. Il n’est pas de négocians européens qui n’en reçoivent chaque jour en paiement ou en nantissement. En 1830, il en sortit de Tripoli pour 300,000 fr.,