Page:Revue des Deux Mondes - 1855 - tome 12.djvu/566

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’annonce-t-il dans une dépêche du 30 mars. Cette proposition de la part d’Alexandre est fort peu vraisemblable, il est vrai, et Napoléon n’y crut pas. Cependant M. Alquier n’en parle pas comme d’un bruit vague ; il insiste et précise. « Le territoire offert commence, dit-il, à Sasmola, sur la côte orientale du golfe de Bothnie ; sa limite serait formée par la chaîne de montagnes qui, après s’être dirigée vers l’est, remonte au nord et va rejoindre les frontières actuelles du royaume au-dessus des sources de la rivière Tornéo, entre le 67e et le 68e degré. » La Russie proposait également, assure-t-il, de reconnaître la propriété de l’île d’Aland commune entre les deux puissances en se réservant la propriété de toutes les petites îles situées dans le golfe de Bothnie entre les Aland et la Finlande. Il ajoute : « Je garantis cela. » Et malgré l’importance de pareilles offres, si elles sont réelles, il affirme que le prince royal a ordonné à M. d’Engeström de ne pas répondre à cette dépêche de M. Stedingk. « Vous connaissez mes principes, a-t-il dit, rien ne peut contrebalancer pour moi le bonheur d’être allié à la France. La Russie m’offrirait la cession de toute la Finlande, que mon dévouement à l’empereur ne me permettrait pas de l’accepter. Je serai Français tant que l’empereur ne m’aura pas forcé de croire qu’il m’oublie et qu’il m’abandonne. » M. Alquier termine sa dépêche par ces mots : « J’ai la certitude que son altesse royale a véritablement exprimé les sentimens dont elle est pénétrée[1]. » Bernadotte répète encore le 30 mai à M. Alquier que la Russie lui a fait offrir une partie de la Finlande, mais qu’il a défendu de répondre. « Je n’accepte rien que de l’empereur ; ma destinée est de regarder ses ennemis comme les miens… » l’Angleterre, de son côté, offrait au gouvernement suédois Demerary, Surinam ou Porto-Rico, à son choix. « Ces propositions indirectes, dit M. Alquier, ont été rapportées au prince ; il a répondu ces propres mots : — Rien de l’Angleterre, un village seulement donné par l’empereur[2]. » La réunion de la Norvège, tant désirée de Bernadotte, paraissait devoir être un obstacle insurmontable contre une alliance avec Napoléon, qui ne pouvait l’enlever au Danemark, son fidèle allié. Bernadotte restreignait donc sa demande : « Il est possible, dit-il à M. Alquier (9 avril), que l’empereur ait trouvé ma demande exagérée ; mais il ferait beaucoup pour la Suède et pour moi, s’il daignait nous accorder au moins l’évêché de Throndhjem ; c’était l’ancienne frontière de la Suède sous Charles X ; ce pays ne renferme pas plus de soixante mille habitans. C’est un sol pauvre, dénué de toutes ressources, mais ce serait pour nous une frontière. Je conjure l’empereur de nous

  1. Dépêche du 30 mars 1811.
  2. Dépêche du 17 avril.