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aucune condition relative à la guerre contre Napoléon ni à la réunion de la Norvège. Il n’était question que du rétablissement des relations amicales entre les trois cabinets sur le pied des anciens traités et de garanties mutuelles d’indépendance. Toutefois l’Angleterre promettait à la Suède, dans un article secret, des subsides, des fournitures de guerre et des vivres pour une valeur d’environ 700,000 liv. sterling; la Russie, de son côté, s’engageait à envoyer dans les ports d’Angleterre toute sa flotte, composée de dix-huit vaisseaux de ligne et de douze frégates.

Nous avons dit que la Prusse, contrainte de marcher avec Napoléon, s’entendait secrètement dès le mois de février avec la Russie. Voici une nouvelle preuve du désir qu’elle avait de se ranger avec nos ennemis. Au mois de juillet, le colonel prussien Gneisenau vint à Stockholm. Il quittait sa patrie, asservie à Napoléon, et se rendait en Angleterre pour chercher un appui ou quelque sûre alliance. A peine débarqué, il envoya secrètement au prince royal une lettre remplie de protestations d’amitié du roi son maître. Le roi l’avait chargé « de remercier Bernadotte des sympathies qu’il avait exprimées à son égard, et il regrettait profondément que les complications actuelles ne lui eussent pas permis de consacrer par d’autres liens encore sa vive amitié et sa reconnaissance. » De telles paroles devaient flatter et séduire Bernadotte, qui eut avec l’exilé prussien plusieurs entrevues où furent sans doute fixées les bases de la future paix de Kalish, signée entre la Russie et la Prusse au commencement de 1813.

En même temps enfin, Bernadotte entretenait des relations avec les Bourbons eux-mêmes, bien que sa position dût être singulièrement glissante et difficile entre la pitié dédaigneuse que lui inspirait leur espoir d’une restauration et le désir ardent de rattacher aux vieilles souches sa dynastie naissante. Il comptait se servir de leur amitié, mais non devenir lui-même leur instrument. Le récit de M. Bergman nous apprend à quelle occasion ces relations s’engagèrent. Le dimanche 18 mai, on apprit tout à coup au château de Stockholm qu’un des chambellans du roi de Suède venait d’amener de Carlscrona, où il avait été arrêté, un voyageur inconnu, un Français, qu’on avait pris pour un espion chargé de quelque mauvaise entreprise. « Je parie, s’écrie la reine, que c’est un envoyé de Buonaparte qui vient pour mettre le feu à la flotte ! » Une lettre adressée par l’inconnu au prince royal tira bientôt la cour de son incertitude :


« Je suis, disait cette lettre, Alexis de Noailles, un des compatriotes de votre altesse royale avant que la Providence vous eût si honorablement appelé à gouverner la Suède. J’ai refusé de servir Bonaparte, et sous amie prétextée on m’a poursuivi de menaces incessantes. Fouché m’a laissé libre;