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France; il garantissait à la Russie tout le grand-duché de Varsovie, tel qu’il avait été constitué en 1807, c’est-à-dire tout le pays du Niémen à la Vistule et à l’Oder, Varsovie, Cracovie, Thorn et le grand-duché de Posen. Non content d’avoir ménagé la paix de Bucharest, qui avait donné aux Russes la Bessarabie et un tiers de la Moldavie, il assurait encore à Alexandre la possession de la Galicie et de la Prusse orientale; on indemniserait l’Autriche en Italie et la Prusse en Allemagne par la concession de la Poméranie et l’appoint de quelque autre province dont on lui ferait un royaume de Franconie. — En d’autres termes, la Russie aurait transporté ses frontières aux portes de Berlin, de Vienne et de Constantinople. Un traité de famille lui aurait livré la Suède, la Norvège et le Danemark; l’Angleterre, dont on invoquait déjà la coopération et qui se faisait promettre une station sur le Sund (la ville de Kronborg), était liée au moins pour un temps, et... qui sait? la France serait peut-être bientôt gouvernée par un allié, par un ami dévoué du tsar. La complicité des gouvernemens insurrectionnels de Portugal et d’Espagne, celle de l’Autriche et de la Prusse, déjà connue et récompensée à l’avance, semblaient assurer plus solidement encore un infaillible succès... Rien plus, Bernadotte en vint à proposer qu’à défaut de l’empereur d’Autriche, l’empereur de Russie mît sur sa tête la couronne germanique[1] ! Sans doute le prince royal, prenant à son compte les ressentimens qu’il supposait à la Suède, prétendait par Abo venger Erfurt. Soit; mais à tous ces jeux la Russie profitait.

Ce n’est pas dans des rapports sans autorité ou dans de vagues récits que nous puisons ces détails, c’est dans les papiers revus, sinon dictés par Bernadotte, que M. Bergman a publiés, papiers désignés par le prince lui-même pour servir à son histoire, et qui y seront utiles en effet. Toutefois nous devons ajouter que cette révision projetée de la carte d’Europe ne prit pas entre les deux souverains la forme plus précise d’un traité ou d’une convention politique. Les seules conditions stipulées par la convention additionnelle au traité de Saint-Pétersbourg, qui fut signée des comtes Löwenhielm et Romanzof le 30 août 1812, et dont quelques-unes, celle de l’emprunt russe par exemple, ont été ignorées jusqu’à ce jour, sont les suivantes :


« Article 1er . Le corps auxiliaire promis par la Russie à la Suède par le traité de Pétersbourg sera porté au nombre de trente-cinq mille hommes, dont vingt-cinq mille devront débarquer sur la côte de Scanie à la fin de septembre, et le reste à la fin de novembre 1812. — Art. 2. Le commandement des troupes auxiliaires russes, leur entretien et leur transport seront

  1. Mémoire manuscrit parmi les dépêches de février 1813 aux affaires étrangères.