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de décomposition à craindre, par conséquent plus de souillure pour la soie. Alors, au moyen d’un appareil mécanique, les cocons sont aplatis, pressés comme le sont des figues sèches, et disposés par couches dans des caisses ou dans des ballots. Ils arrivent ainsi à Marseille, d’où ils sont dirigés dans les filatures des Cévennes pour y être soumis à un traitement régulier qui leur donne les qualités requises pour le tissage.

A Lyon même, le ballot de soie ne va pas directement de chez le marchand à la manufacture; il passe d’abord dans un établissement public pour y être essayé et classé. Cet établissement se nomme la condition des soies; il sert d’arbitre sans appel entre le vendeur et l’acheteur; il fixe le titre et le denier de la marchandise. La soie a en effet cette propriété singulière d’emprunter à l’atmosphère et d’absorber une certaine quantité d’eau qui en augmente le poids. Cette absorption est constante, quoiqu’elle varie suivant les qualités, suivant l’état du ciel et d’autres circonstances moins appréciables : d’où la nécessité d’amener la soie à un certain degré de siccité, afin d’en fixer le poids réel et vénal. Des appareils ingénieux, soumis à une température déterminée, reçoivent des échantillons tirés des ballots et indiquent la proportion du déchet qu’ils doivent subir. Cette opération achevée, le marché est complet; la soie appartient au fabricant, qui la met en mains, puis la livre au décreusage, où elle se dépouille de la Comme qui la charge, enfin à la teinture, où elle reçoit la couleur propre au genre de fabrication auquel on la destine. Alors paraît un autre agent, le chef de l’atelier, qui prend livraison de la soie teinte, dévide la trame sur une mécanique de six à douze guindres[1], la donne à ourdir, puis à plier. Dans cet état, la soie a subi toutes les opérations préliminaires; il n’y a plus qu’à la tisser.

Avant d’aller plus loin, il importe de montrer quel a été le mouvement de la production de la soie depuis que cette industrie s’est naturalisée en France et quel en est l’état actuel. Henri IV, en la couvrant de sa protection, n’avait qu’un pressentiment bien confus de ses destinées. Il estimait à quatre millions d’écus d’or la somme des richesses qu’elle allait créer et répandre; combien cette somme a été dépassée ! A propos des soieries, on verra, par le nombre croissant des métiers et malgré des fluctuations inévitables, la fabrication des étoffes suivre un cours et un développement réguliers. Pour la soie, les données sont moins authentiques et remontent moins haut; il faut s’en tenir, sous peine d’appréciations arbitraires, aux chiffres que le gouvernement publie de loin en loin, et qui sont eux-mêmes sujets à beaucoup de rectifications. Deux tableaux officiels ont été établis à

  1. Petits métiers à dévidage.