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quantité, et que ses propriétés ne ressemblaient nullement à celles de la poudre grise de M. Vöhler. — C’est, disait-il dans un mémoire présenté à l’Académie des Sciences le 14 août 1854[1], un métal d’un beau blanc, à peine un peu bleuâtre par rapport à l’argent, qui tire sur le jaune, et la teinte bleue parait davantage lorsque le métal est écroui: alors il est aussi plus dur, et au lieu d’avoir la mollesse de l’argent, il a la ténacité du fer; il est malléable et ductile à peu près sans limite, et on peut le réduire en lames très minces ou en fils très fins sans le recuire; il se lime facilement et a une légère odeur de fer; il conduit l’électricité comme l’argent; il est, comme l’avaient déjà dit MM. Poggendorf et Riess, faiblement magnétique; il fond à une température plus élevée que le zinc, mais plus basse que l’argent; c’est donc un métal très faible. Sa densité varie entre 2,56 et 2,67, suivant qu’il est ou qu’il n’est pas laminé; l’aluminium est ainsi toujours fort léger, puisque la densité du plomb est de 11,445, celle du cuivre de 8,78, celle du fer de 7,9 et celle de l’or de 19,15. Il pèse quatre fois moins que le plomb, trois fois moins que le cuivre ou le fer, huit fois moins que l’or, et il a à peu près la légèreté du verre. L’air et l’oxygène ne lui font subir aucune altération sensible, et loin de se placer sous ce rapport entre les métaux les plus oxydables, dont l’emploi à l’état métallique est impossible, et les métaux communs, il se place au contraire entre les métaux précieux et les métaux communs; il a même sur les premiers une certaine supériorité, car l’hydrogène sulfuré, la combinaison de soufre et d’hydrogène, noircit l’argent, comme on sait, et en interdit parfois l’usage. L’aluminium au contraire peut être sans inconvénient exposé à l’action de ce gaz. L’acide azotique, le plus énergique de nos dissolvans et qui attaque l’argent avec facilité, agit très difficilement, même à chaud, sur le nouveau métal. Enfin, et pour quelques industries cela est important, l’aluminium ne s’amalgame pas, c’est-à-dire qu’il ne s’allie pas au mercure. Il est appelé ainsi à remplacer le fer, qui jouit à peu près seul de cette propriété, mise souvent à profit dans les laboratoires. Nous voilà bien loin assurément de M. Vöhler et de ses descriptions, et l’on a peine à croire que le jeune savant et l’un des doyens de la chimie, l’un de ses plus renommés représentans, aient parlé du même corps. Il est certain pourtant que M. Sainte-Claire Deville a raison; il a opéré sur des quantités considérables de matière, et quoiqu’elles démentent un peu nos théories, on est autorisé, par le soin qu’il a apporté à ses expériences, à le croire de préférence à tout autre. Où êtes-vous, monsieur Laurent, vous qui disiez que la chimie n’est pas parfaite, que les corps sont mal classés et leurs

  1. Annales de chimie et de physique, 3e série, t. XLIII.