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dans les livres, mais elle paraît dictée par le sens commun. Si une comparaison un peu frivole était permise ici, on pourrait dire que la comparaison des êtres vivans avec la nature inanimée avait contribué même à établir cette opinion : comme les personnes qui aiment à se retrouver aiment aussi à rester ensemble, de même les corps inertes qui ne peuvent rester en présence sans s’unir forment des combinaisons difficiles à désunir. On n’avait jamais songé à établir cette loi; mais lorsque M. Thénard divisa les métaux par classes, il n’eut pas même besoin de l’énoncer, personne ne fit d’objections, et si depuis 1813 de nouvelles découvertes ont fait varier les groupes de métaux, le principe du classement n’a jamais été contesté. Rien n’eût été du reste plus facile que de l’appuyer sur des exemples. .Ainsi les corps les plus explosibles, c’est-à-dire ceux dont la décomposition est la plus facile et la plus prompte, sont aussi ceux dont les élémens n’ont aucune propension à se combiner : il est aussi difficile de les rapprocher que de les maintenir unis. Eh bien ! l’aluminium est une exception à cette règle, qui, je le répète, n’est pas une de ces lois abstraites et compliquées de la chimie, mais semble évidente aux esprits même les moins scientifiques. Son oxyde est très difficilement réductible, et le métal n’est pas lui-même très avide d’oxygène. Son inaltérabilité le place auprès de l’argent; la ténacité de sa combinaison avec l’oxygène semble le rapprocher du sodium ou du calcium. La nouvelle découverte prouve ainsi que non-seulement la classification des métaux est vicieuse, mais que sans doute le principe sur lequel elle a été appuyée dès l’origine est faux. Cette confusion si naturelle qui s’était établie entre l’avidité d’une substance pour l’oxygène et son affinité pour ce gaz, ou la ténacité de ses combinaisons avec lui, doit disparaître des classifications et des théories. Parfois du moins ces deux propriétés ne sont pas corrélatives; la loi qu’on trouvait si claire souffre des exceptions, et, dans les sciences, une loi qui ne s’applique pas toujours n’est pas une loi. Hâtons-nous d’ajouter qu’heureusement, si ce principe était admis, aucune théorie importante n’en découlait. Il n’entraîne en tombant que la classification des métaux, ce qui n’est pas un grand mal, et si les nouvelles expériences pouvaient contribuer à effacer la distinction entre les métaux et les métalloïdes, peu de chimistes, je pense, s’en plaindraient.

Le principe sur lequel s’appuie M. Sainte-Claire Deville pour la préparation de l’aluminium est le même que celui de M. Vöhler. Seulement il emploie le sodium au lieu du potassium, le maniement de ce dernier offrant quelques dangers et ses éclats pouvant blesser l’opérateur. Le métal est placé dans des tubes en porcelaine chauffés, et sur le sodium fondu on fait passer la vapeur de chlorure d’aluminium; il se forme du chlorure de sodium ou sel marin, et