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deviennent plus réguliers. Or, comme nous sommes de ceux qui souhaitent aux Italiens bonne chance et heureux succès, nous profiterons de l’occasion qui nous est offerte par la dernière publication de l’auteur de Lorenzo Benoni pour dire quelques mots sur l’état actuel de l’Italie et sur la ligne de conduite que, d’accord avec bien des hommes éclairés et avec quelques-uns des esprits les plus avancés de la péninsule même, nous croyons la plus propre à. remettre ce grand pays à la place qui lui est due et à laquelle il a droit.

Nous disons volontairement grand pays, car outre sa grandeur historique, il est relativement grand encore aujourd’hui par le rôle qu’il joue en Europe. Il n’est guère de puissance que n’intéressent vivement les destinées de ce peuple. Un mouvement à Rome ou à Milan ébranle l’Europe tout entière. Nous sommes d’ailleurs de ceux qui gardent quelque reconnaissance au passé. Rien n’est étonnant lorsqu’on étudie l’histoire, comme de voir le fonds d’égoïsme et de niaise ingratitude qui se rencontre au fond de l’humanité. Les contemporains n’ont jamais d’yeux que pour le vainqueur et le triomphateur du jour, ils ressemblent en masse à ces troupeaux d’intrigans que l’on a vus à toute époque assiéger les antichambres ministérielles pour saluer le lever de tout nouveau soleil politique. L’humanité applique instinctivement les vilaines règles de conduite que formulait en ces termes, au dire du violent Saint-Simon, un cynique courtisan du temps de Louis XIV : « Tant que les ministres sont en place, on doit leur tenir le pot de chambre, et, lorsqu’ils sont renversés, le leur vider sur la tête. » C’est ainsi que l’humanité se venge des bravos qu’elle a fait éclater au récit des plus grandes actions et de l’admiration que lui ont arrachée les grandes œuvres. Un peuple est-il riche et puissant, sait-il menacer et corrompre, et surtout a-t-il le pouvoir de menacer et de corrompre; peut-il, à son gré, vous faire pendre ou vous donner des pensions; tient-il pour un instant entre ses mains la vie et la mort, la fortune ou la ruine du monde : — aussitôt les hommes s’agenouillent, les nations courbent la tête devant le commandeur des croyans, les écrivains font fumer les cassolettes de parfums, et les diplomates, habiles dans l’astronomie comme des mages chaldéens, suivent l’étoile favorable et vont porter la myrrhe et l’encens aux pieds de la sultane Angleterre ou du grand mamamouchi russe. — Puis la fortune change-t-elle et la tempête brise-t-elle le puissant navire, soudain on voit les hommes se précipiter sur la rive, se disputer les épaves rejetées par les vagues, et dépouiller le naufragé.

Hélas! l’humanité prise en masse ne croit qu’à la force, et c’est là une triste vérité que les peuples, pas plus que les individus, ne doivent jamais oublier. Cependant, à tout prendre, je ne sais si cette