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ensuite leur esprit de famille. La plus importante des deux est, je crois, l’origine, et je suis très porté à considérer comme vrai le jugement de M. de Maistre sur la guerre d’Espagne et la lutte héroïque que soutint ce pays pour ne pas accepter de l’étranger un bon roi en place d’un roi détestable, mais représentant de la nationalité. Un peuple peut perdre sous un mauvais roi de sa race sa liberté et sa puissance; rarement il perdra son indépendance, et les nations sentent si bien instinctivement cette vérité, qu’elles ne se décident qu’à la dernière extrémité à chasser ou à remplacer leurs dynasties traditionnelles. Or la maison de Savoie possède cet avantage, qu’elle est la plus italienne des maisons princières qui gouvernent la péninsule. Puis, outre cet avantage, qui est le premier pour une famille royale, la maison de Savoie en possède un autre : elle est nationale non-seulement par son origine, mais par son histoire, en fait comme de nom. Elle est essentiellement populaire en ce sens qu’elle a toujours considéré ses intérêts comme liés à ceux de ses peuples, qu’elle ne s’est pas cru des droits différens de ceux de ses peuples et qu’elle n’a jamais cherché à retarder leurs progrès, mais à les guider. Cette petite dynastie, bien différente en cela de dynasties plus puissantes et plus célèbres, n’a jamais, je crois, produit un seul mauvais prince, et quelques-uns d’entre eux ont été, comme Félix V par exemple, animés d’un grand esprit de justice et doués d’un grand esprit politique. Le caractère de ses princes a toujours été exempt de ces vices d’âme qui rendent les aristocraties odieuses; ils ont tous eu au contraire les qualités qui plaisent au peuple et qui font les dynasties populaires. Ardens, courageux, chevaleresques, grands batailleurs, bons soldats, francs du collier, comme dit énergiquement le peuple, souvent aussi mauvais diplomates qu’ils étaient solides cavaliers, bons enfans en un mot, tels ont été généralement les princes de cette famille. Grande a été déjà la destinée de la maison de Savoie, l’avenir lui en réserve encore cependant une plus glorieuse, car elle peut être, à un moment donné, la maison d’Orange de l’Italie. Si les Italiens sont sages, ils ne laisseront échapper aucune occasion de grandir cette famille, ils l’entoureront de leurs respects, ils l’appuieront de toutes leurs forces, et même, si besoin est, ils devront se résoudre à bien des concessions.

Au nom de l’Italie, tout homme éclairé du continent doit demander aux chefs de parti l’abandon de bien des rêves chéris et caressés avec amour. Les partis en Italie peuvent nourrir des idées plus ou moins généreuses, mais ils n’ont aucun élément de force entre leurs mains. La monarchie piémontaise est non-seulement le seul gouvernement national de l’Italie, mais elle est encore la seule force